Sombres côtés de la médaille
Par Ahcène Moussi – L’Algérie est pleine de ressources naturelles et la moitié de sa population a entre 25 et 50 ans ; elle est malheureusement à la traîne aujourd’hui. Est-ce que son destin la prédestine à rester éternellement malade et de loin derrière beaucoup de nations ? L’éducation, la santé, la justice, la pauvreté et le reste sont loin d’être la préoccupation des autorités. Les passe-droits, les détournements de fonds publics, l’emprisonnement de certains opposants ou de journalistes, le népotisme, l’injustice se font au vu et au su de tous.
Toutes les catégories de la société se remplacent, en grands nombres, dans les rues et places publiques pour crier leur colère et revendiquer l’amélioration de leurs conditions de vie. A tour de rôle, les étudiants, les enseignants, les travailleurs, les médecins, les syndicalistes, les retraités de l’armée, tous ont effectué ce parcours du combattant et tous y ont bel et bien laissé des plumes. Rien qu’au cours de ce premier mois de l’année 2018 pas moins d’une quinzaine de manifestations ont été enregistrées à travers le territoire national, soit une marche tous les deux jours. A vrai dire, bien que les résultats des courses, «manif», soient nuls, puisque n’ayant abouti à aucune entente, il demeure que le record planétaire a tout de même été battu par notre pays.
Quelle puissance internationale nous fera confiance ou viendra nous aider dans de conditions pareilles ? Pourtant, ceux qui nous gouvernent jurent que l’Algérie va mieux que beaucoup d’autres pays, bien meilleure que la Suède, la Norvège ou encore les Etats-Unis d’Amérique ; qu’elle est riche et qu’elle est en sécurité et sous contrôle.
A écouter leurs discours, souvent d’un autre temps, nous supposons qu’ils font allusion à une autre Algérie, que seulement eux et certains de leurs acolytes fréquenteraient. Sans nul doute, dans cette autre Algérie, sur ce côté pile de la médaille, on ne va jamais aux souks (marchés), on ne connaît pas de coupures d’électricité et d’eau, on a un porte-monnaie en euros pas en dinars, on se soigne à Genève ou à Paris, on envoie ses enfants dans les meilleures universités occidentales. D’ailleurs, au moment même où je rédige mes commentaires, il y aurait quelque part dans cette autre Algérie de «gros bonnets» qui ne savent plus quoi faire de toutes ces liasses en euros et en dollars qu’ils détiennent chez eux. On se demande même s’ils ne sont pas actionnaires de certaines plus grandes firmes internationales ou d’un «multi-billion dollar business».
C’est un vrai paradoxe quand on sait qu’à l’opposé de tout ça, sur l’autre face de la même médaille, une très grande majorité du peuple n’arrive pas à joindre les deux bouts. Pis encore, cette grande majorité du peuple ne saurait jamais les vrais chiffres, en milliards de barils et de dollars, de cette richesse pétrolière exportée qu’elle appelle, à juste titre, la malédiction algérienne.
L’abondance du cash, jusqu’en 2013, a renforcé les compulsions à la rente de l’économie algérienne. Pas loin de mille milliards de dollars de dépensés en douze années, ce qui démontre l’indifférence des dirigeants à la diversification des investissements, se concentrant uniquement sur les exportations du pétrole et du gaz et sur les importations, à hauteur de 94% des produits consommés par les Algériens.
L’Algérie ne sortira de son marasme qu’une fois assainie totalement sur le plan politico-économique et soustraite définitivement aux ordres de Paris, de Washington et de Moscou aussi. Le chemin est, certes, long et plein d’embûches, mais c’est à ce prix seulement qu’elle aura la possibilité de tourner définitivement la page d’un multipartisme d’apparence et d’une démocratie de façade.
A. M.
Economiste et président MMC (Canada)
Comment (2)