Dissiper le malentendu
Par Al-Hanif – Une précédente tribune intitulée «Les retardataires de l’histoire» n’assignait aucune lecture prescriptive, et je me félicite des échos divergents qu’elle a suscités. Elle se proposait tout simplement de proposer un éclairage et une forme de dialogisme entre texte et lecteurs.
Elle ne faisait certainement pas la proposition de jeter le bébé avec l’eau du bain et de faire table rase de la construction identitaire, façonnée par les siècles, quand ces derniers témoignent du ciment de ses composantes : islam et langue arabe, ni de rejeter Ibn Okba à la mer.
Le retardataire de l’histoire est également toute personne qui n’acte pas les défis de l’époque et le terreau civilisationnel millénaire, enrichi par des strates plus récentes pour les reconnaître comme creuset d’une spécificité algérienne, à la fois sur le plan culturel et linguistique. Cette continuité historique bien comprise nous unit du berceau au linceul – et s’oppose par essence –, à l’image négative projetée sur l’Autre et informée par un stock de représentations stéréotypées. Elle est surtout rempart contre les divisons et les promoteurs d’une autobiographie fictive de l’Algérie.
Livrer un texte, c’est également prendre le risque de le voir instrumentalisé par un biais cognitif qui fonctionnera par confirmation des a priori de manière subjective. Adversaire déclaré de l’antilocution ou discours de haine visant à intimider ou de servir de prétexte à la victimisation ou à l’autoglorification, je mesure la difficulté de raviver l’espace mémoriel sans le lester au demeurant par une mise en contexte historique.
La notion d’identité n’est jamais figée, et en appeler à sa compréhension critique revient à accepter sa nature dynamique et sa prise en charge par nombre d’acteurs sociaux qui auront des approches différentes et tout aussi légitimes.
L’écrivain Haïtien Dany Lafferière recommandait à la raison critique de marquer un temps de pause par cette belle formule intimant au cogito de faire relâche : «Je fais taire chez moi toute réflexion, même la plus intime pour me laisser bercer par cette foule.» Ce temps de pause ne revient pas à habiter le flou et l’incertitude, ni à s’accommoder de la définition stéréotypée, informée par des expériences de vie personnelles et de la brandir comme réalité objective. Et seule réalité s’imposant à tous.
Admiratif du registre linguistique varié des Algériens qui enjambe l’arabe dialectal avec ses variantes régionales, les parlers berbères, le chaoui, l’arabe standard et le français, je déplorerai l’appauvrissement de cette palette pour des raisons idéologiques à rebrousse-histoire. L’histoire recense sans pitié les faillites de ces systèmes qui se sont ingérés dans l’intime, et voulu faire table rase, et imposer la promotion de l’athéisme au nom de la dialectique historique, autre «terminus» de l’Histoire !
Ces recalés de l’histoire auraient dû se rappeler que dès le règne du calife omeyyade, Abd Al-Malik, l’Asie centrale avait réservé le meilleur des accueils à la foi musulmane.
Et que Tamerlan avait orné au XVe siècle Samarcande de mosquées et de monuments qui convoquent le respect pour les uns et la fierté du souvenir d’une épopée glorieuse chez d’autres.
La «res republica» ne peut donc être république communautarisée mais projet du vivre-ensemble avec une conscience claire des moyens et objectifs à proposer.
Orienter le débat sur transcendance ou pas, c’est déjà le fausser et l’habiller de faux semblants. République démocratique et populaire mais, surtout, inclusive qui ne laisse aucun de ses enfants au bord de la route, sans pulsion de sonder les âmes.
Pour finir sur une note d’espoir, même si elle relève de l’anecdote, j’ai été heureux de voir une nièce, arabophone tout comme moi, prendre pour époux un fils de la chère Kabylie. L’intelligence est toujours du côté des forces de la vie !
A. H.
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