Témoignage d’Abdelhafid Amokrane sur la préparation du 1er Novembre 1954
Le moudjahid et ancien ministre des Affaires religieuses Abdelhafid Amokrane est décédé dimanche à l’âge de 92 ans. Ancien officier de la Wilaya III, il fut un proche collaborateur du colonel Amirouche. Algeriepatriotique lui rend hommage et publie son témoignage traduit en français sur la préparation du 1er Novembre.
«(…) Je savais que le déclenchement de la lutte armée était proche, alors que j’étais à Paris, dans une cellule clandestine du CRUA, en compagnie du frère Amirouche et un groupe de militants, tels que Saïd Houassi, Youcef Mokrane, Saïd Meddah, Ahmed Sakhri, Si Tahar, Si Bachir… Nous nous réunissions sous le couvert du secteur central de l’Association des oulémas qui était présidée par le martyr Rabia Bouchama.
Le 19 septembre 1954, je m’étais séparé du frère Amirouche pour rentrer en Algérie et rejoindre le maquis. Aussitôt, j’ai pris contact avec le responsable de la kasma du MTLD, le martyr Maouchi Ahmed à Amizour, et poursuivais la lutte dans l’attente du jour “J”. Aussi étais-je resté en contact avec le chahid Cheikh El-Hadi Zerrouki et Salah Mebrouki de Béjaïa, Daoudi Lembarek, Lekhbat Larbi, militants du mouvement national. Et par faute de la défection du responsable de daïra du parti dans la Vallée de la Soummam, le martyr Larbi Oulebsir, parce qu’il n’avait pas reçu d’ordre du chef du mouvement de l’époque, nous nous mettions à attendre un contact avec la direction en Haute Kabylie.
Mais, très vite, un moudjahid, Malek d’El-Kseur, dans les environs de Barbacha, dépêché par Amirouche, suivi bientôt du frère Si Hocine Salhi, lui aussi d’El-Kseur, porteur d’un message de fraternité de la part d’Amirouche toujours. Il me demandait de mettre en place l’organisation politico-militaire dans la région et d’attendre les ordres, vu que la région d’Amizour était difficile à structurer, à cause de la présence de la famille Ourabeh, connue pour son emprise qu’elle avait sur la population à travers les caïds et autres supplétifs du colonialisme. C’est ainsi que nous avons, dès le début de 1955, entamé l’action révolutionnaire, en structurant les villages et les tribus de la région, et mené des actions de sabotage des poteaux téléphoniques et des voies de communication pour empêcher l’ennemi de se déplacer librement, et d’autres actions armées auxquelles ont pris part les moussebeline de la région. C’est ainsi que j’ai rejoins le maquis après avoir achevé l’étape d’organisation locale et propagé le mot d’ordre de la Révolution dans la région d’Amizour et ses environs.
C’est à cette période que j’ai rencontré mon frère de combat, le colonel Amirouche, qui était alors le chef militaire dans la Vallée de la Soummam. J’ai été immédiatement désigné commissaire politique de la région qui allait de la ville de Béjaïa aux limites de la ville de Bouira, en compagnie de Hocine Salhi.
Je suis resté à ce poste jusqu’à la tenue du Congrès de la Soummam dont j’ai participé à la préparation au plan logistique, pour devenir ensuite officier des transmissions (liaisons et renseignement) dans la zone I en Wilaya III. Puis, j’ai été promu capitaine chargé d’approvisionnement (intendance) de la wilaya et mourchid général, dès 1957.
J’estime qu’après ce bref aperçu vous avez compris la raison pour laquelle la Vallée de la Soummam n’a pas pu participer de façon effective au déclenchement de la Révolution, durant la nuit du 1er novembre 1954.
Cela dit, les militants de la Vallée ont mené, comme tout le monde sait, de nombreuses actions de sabotage dès le mois suivant. Certains groupes, notamment celui dirigé par Si H’mimi, ont réussi, au mois de décembre, à saboter la ligne téléphonique, abattre des eucalyptus sur la route nationale n° 26, incendier des écoles françaises en campagne, où les forces ennemies étaient supposées être positionnées et, enfin, à détruire quelques chemins de fer.
Quant aux attentats militaires proprement dit, nous n’en avons mené qu’à partir de 1955. Mais quelques semaines ont suffi pour que l’ennemi et ses démembrements économiques et administratifs fussent complètement déstabilisés dans la région, au point que celui-ci la nommait désormais la «Vallée pourrie» ; celle-là même qui sera bientôt choisie pour abriter le célèbre Congrès de la Soummam.»
Abdelhafid Amokrane
Traduit de l’arabe par R. Mahmoudi
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