La France et l’islam
Par Mrizek Sahraoui – Avant d’aborder les dossiers sensibles qui attisent les passions, voire l’hostilité et la haine, comme la question de l’immigration et du droit d’asile, des réfugiés installés à Calais dans des conditions d’un autre temps et, cette fois encore, de la place de l’islam en France, Emmanuel Macron teste d’abord l’opinion publique.
Dans un premier temps, il donne quelques pistes vagues sans aller clairement dans le détail. Ensuite, en fonction du feedback – à la manière d’une relation clients –, il ajuste et adapte, en se donnant quelques mois de réflexion, l’articulation de la réforme qu’il entend mettre en œuvre pour éviter les turbulences. Enfin, il légifère, souvent par ordonnance, privant ainsi la représentation nationale d’apporter la contradiction, comme dans un régime à parti unique. La démocratie selon Macron, accusent ses adversaires.
Pour preuve, dans un entretien au Journal du Dimanche, paru le 11 février, Emmanuel Macron se donne six mois pour «poser les jalons de toute l’organisation de l’islam de France». Six mois de consultations et d’écoute d’intellectuels, d’universitaires et des représentants des religions, a-t-il affirmé. Les personnalités citées font dire à certains observateurs avisés que le but du chef de l’Etat français est de marginaliser le Conseil français du culte musulman (CFCM) – miné depuis quelque temps par des luttes internes – mais aussi et, surtout, l’objectif serait de neutraliser l’opposition composée de députés très hostiles à l’islam, quand d’autres, très nombreuses, pensent que l’islam a sa place dans la République.
La réalité est que le président français sait que la question de l’islam suscite, à chaque fois, un débat passionné entre ceux qui œuvrent pour une France apaisée et les tenants d’une France agitée, menacée ; par conséquent, il sonde d’abord. Les réactions n’ont pas tardé. Marine Le Pen est la première personnalité politique à s’exprimer, estimant, dimanche, que «les pistes évoquées par Emmanuel Macron sont floues». Avant de préciser : «Certaines sont insupportables, inadmissibles» comme «par exemple l’idée d’un Concordat, l’idée de réformer la loi de 1905».
Ce n’est pas la première fois que la réforme de l’«islam de France» est évoquée. Bien que l’expression l’«islam de France» ait existé un quart de siècle auparavant, le premier à revendiquer la paternité de cette absurde appellation, puis tenter d’en organiser le fonctionnement, fut Nicolas Sarkozy.
Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur en 1990, fut, en effet, le premier à se saisir de la question. A l’époque, il mit en place un «conseil de réflexion sur l’islam de France». A l’origine, cette expression fut créée, non sans arrière-pensée électoraliste, dans le but de permettre une meilleure représentation de la communauté musulmane. D’ailleurs, tous les ministres de l’Intérieur qui se sont succédé, Charles Pasqua et Jean-Pierre Chevènement notamment, reprirent – sans succès – le chantier.
Les dissensions entre les différentes organisations musulmanes et les calculs politiciens ont rendu difficile toute perspective de structuration, donnant, par ricochet, des arguments aux islamophobes qui ne ratent jamais l’occasion de faire l’amalgame entre islam et djihadisme.
M. S.
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