Deux éléments plaident en faveur de l’idée que la France demandera pardon
De Paris, Mrizek Sahraoui – S’achemine-t-on vers la reconnaissance officielle des crimes commis par la France en Algérie ? Tout porte à le croire. Deux éléments factuels plaident en faveur de l’idée que la France va, enfin, assumer son histoire et faire acte de repentance.
D’abord, outre la déclaration à Alger d’Emmanuel Macron en février 2017, alors qu’il était encore candidat, affirmant : «La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes.» En rectifiant la loi du 31 juillet 1963, qui prévoit une pension aux seuls détenteurs de la nationalité française, mais, désormais, accordée à toutes les victimes, in fine, le Conseil constitutionnel vient de reconnaître publiquement les violences commises tout au long de la guerre d’Algérie.
A cela s’ajoute la conférence de presse, tenue mercredi dernier à l’Assemblée nationale, organisée par deux députés, Cédric Villani du parti du président (LREM) et Sébastien Jumel du parti communiste (PCF), en présence de l’épouse, du fils de Maurice Audin, disparu en juin 1957, et, surtout, d’un témoin, Jacques Jubier, un appelé du contingent dont le témoignage est publié, mercredi, dans le journal L’Humanité. Dans ce témoignage, qui va sûrement en appeler d’autres tant les langues vont se délier soixante ans après les massacres, Jacques Jubier dit avoir lui-même «enterré Maurice Audin».
Les deux députés s’adjoignent pour demander au chef de l’Etat «la reconnaissance officielle de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française» sous couvert de l’Etat. Cependant, le cas Maurice Audin ne devait ni ne pouvait être un cas isolé.
Ainsi, c’est la première fissure – officielle – dans le mur du silence qui pèse sur la guerre d’Algérie qui vient d’être enregistrée. Désormais, il n’y a plus l’ombre d’un doute : témoignage à l’appui, Maurice Audin a bel et bien été torturé, avant d’être assassiné, et son corps disparu. Lors de la conférence avec l’Association des représentants de la presse ministérielle, tenue mardi soir, Emmanuel Macron a souhaité qu’il y ait «toutes les expertises historiques pour établir le maximum de vérité et procéder aux reconnaissances qui sont dues».
La conférence de presse des députés Cédric Villani – dont l’engagement sur l’exigence de vérité sur la mort de Maurice Audin a dû recevoir l’aval de (son) chef – et Sébastien Jumel, qui intervient le jour anniversaire de la naissance du militant de la cause algérienne, dont la mort et la disparition du corps témoigne de la barbarie de l’armée française à l’endroit de tout un peuple et convoque les heures sombres de l’histoire de France, va sans doute susciter un débat passionné entre ceux qui œuvrent pour le rétablissement de la vérité sur ce qui s’était réellement passé et les tenants du déni de la vérité historique. Les mêmes, comme d’habitude.
M. S.
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