La conscience de Ahed Tamimi
Par Saâdeddine Kouidri – Affirmer que l’islam prône la violence relève du racisme et le nier relève de l’idéologie. Il serait juste de témoigner aujourd’hui plus que jamais que tous les clergés et tous les Etats utilisent la violence contre les peuples. Hier, l’Eglise catholique et ses Etats, aujourd’hui les EI, l’Etat israélien et les «Etats islamiques». Ces mêmes religions, portées par des rabbins, des prêtres, des imams et autres idéologues au service des pouvoirs, logés dans leurs médias, diffusent à travers les radios, les téléviseurs, les ordinateurs, etc., des foyers et d’ailleurs à travers des Smartphones dans les poches et sur les écrans géants qui meublent les boulevards, des mensonges pour tromper les peuples et, du coup, les déconscientiser.
Ahed, cette jeune Palestinienne, a une conscience de la terre de ses ancêtres ; son père et sa mère se battent pour leur terre, son frère et son village sont solidaires, elle est avec eux, les défend malgré son jeune âge jusqu’à gifler le soldat de cet EI. Elle est armée d’une conscience supérieure à toutes les prescriptions qui inconscientisent et mènent forcément aux peurs et à la soumission. Face à ses juges ce 13 février 2018, elle affichait un sourire qui nous rappelle celui de Ben M’hidi Larbi face à ses tortionnaires après son arrestation le 25 février 1957. Résister ou se soumettre relève de la morale et du niveau de conscience et d’aucune casuistique.
La défaite de Daech oblige les islamistes, et à leur tête le royaume d’Arabie Saoudite, à s’adapter en introduisant dans leurs discours une critique des faux préceptes islamiques qu’eux-mêmes avaient imposés au monde musulman, à l’exemple du port du voile et de l’interdiction de conduire un véhicule pour les femmes, mais ils s’abstiendront certainement de prôner l’égalité de l’homme et de la femme car cela mène obligatoirement à la laïcité qui creusera leur tombeau.
La morale aujourd’hui est d’universaliser la laïcité. Tout gouvernement qui travaille contre cette universalisation est contre l’émancipation des peuples. La poursuite de Macron, par exemple, du projet de l’islam de France encourage le communautarisme et accentue la marginalisation des «musulmans». Accentuer ce racisme afin de mettre «officiellement» toute cette communauté en marge de la société «chrétienne». L’esclavage, l’indigénat, l’apartheid, le sionisme n’étaient pas considérés, et pendant très longtemps, comme un crime parce que l’esclave, l’indigène, la victime appartenaient à une autre race que celle du maître.
Le courage de Tamimi nous rappelle celui des combattants algériens lors de la lutte de libération. Oui, le mouvement de libération nationale est un acte moral que les Algériens étaient tenus d’accomplir, suite à la victoire des Vietnamiens et l’engagement des Tunisiens et Marocains dans la lutte de libération. La victoire à Diên Biên Phu des Vietnamiens dirigés par le Parti communiste, et à leur tête l’oncle Ho, contre la France leur indiquait que c’était possible, que c’était mûr. Les novembristes, avec Boudiaf comme coordinateur, déclenchaient donc la Révolution de libération nationale que les centralistes jugeaient prématurée ; quant aux messalistes, ils s’y étaient opposés, y compris par les armes. Pour ceux qui la qualifient jusqu’à ce jour de «révolte», je rappelle, et spécifiquement aux anticommunistes, qu’en 1942 Serge Kastell rapporte dans son livre Le Maquis rouge que Maurice Laban disait à ses juges : «N’oubliez pas qu’un jour, plus tôt que vous ne le pensez, c’est nous qui vous jugerons !» et L’Echo d’Alger du 22 mars de cette même année tirait en première page : «Le tribunal militaire d’Alger condamne six militants communistes, dont une femme, à la peine de mort, trente-cinq autres aux travaux forcés à perpétuité à temps et à la prison». Les six sont Ibanez, Danelius, Vincent, Touati, Rafini et Ahmed Smaïli (ce dernier est condamné par contumace) ; quant à Maurice et Odette Laban, ils écoperont des travaux forcés à perpétuité. Un exemple parmi tant d’autres pour dire qu’après le 8 mai 1945 les Algériens tardaient à s’engager dans le Mouvement de libération nationale, et l’engagement des Tunisiens et Marocains le prouve. On peut donc, à juste titre, reprocher aux Algériens leur retard dans l’engagement. C’est à croire qu’ils avaient plutôt tardé. Ce retard aurait pu nous être fatal car il ne faut pas oublier que ce mouvement est né avant 1954 et il s’est comme épuisé avec l’indépendance de notre pays ! Il aurait pu l’être avant. A notre indépendance, il s’est essoufflé, c’est le moins que l’on puisse dire.
La morale est toujours en construction. La laïcité, cette séparation du politique et du religieux, est nécessaire pour émanciper le politique tout en préservant la foi du religieux. C’est la laïcité qui entamera irréversiblement l’égalité entre l’homme et la femme, entre les croyants et les non-croyants et entre tous les autres encore plus nombreux. Il faut rappeler que la République est composée de citoyens et le royaume a des sujets. Ce n’est pas gratuit de le rappeler pour observer que l’islamisme a été activé surtout dans les républiques. C’est cet acquis qui est remis en cause. Il n’y a qu’à voir quels sont les pays que les Etasuniens, les Anglais, les Français, etc., l’OTAN veulent affaiblir. Ce sont des Républiques, c’est-à-dire des Etats qui peuvent se démocratiser. La stratégie du capitalisme est de remettre en cause cet acquis du citoyen, y compris de leur propre peuple.
Leur politique extérieure n’est que le reflet de leur politique intérieure. La solidarité du peuple français envers les migrants aujourd’hui est considérée par Macron, le président du pays des droits de l’Homme, comme un délit ; elle est la conséquence de leur activité des années 1990 qui consistait à assister les islamistes et condamner leurs victimes. La stratégie de continuer la guerre coloniale par d’autres moyens, comme on le constate, n’est pas cernée, comme on a voulu le faire croire juste dans la guerre des mémoires, mais elle est celle d’affaiblir continuellement par tous les moyens et dans tous les secteurs les indépendances jusqu’à les remette sur le giron du maître, du patron.
Presque tous les présidents du monde et leurs sous-fifres affichent leurs religiosités en public. C’est la marque de leur immoralité. Celui qui affiche l’apparence de sa foi affiche sa burqa pour faire jusqu’aux crânes des résistants des trophées !
Atatürk, président de la Turquie de 1923 à 1938, avait mis un terme au port de la burqa, en faisant une loi toute simple, avec effet immédiat : «Toutes les femmes turques ont le droit de se vêtir comme elles le désirent. Toutefois, toutes les prostituées doivent porter obligatoirement la burqa.» Résultat, dès le lendemain, on ne voyait plus de burqa en Turquie !»
Les activités au temps de l’Antiquité jusqu’aux activités les plus récentes des églises et leurs clergés, des synagogues et leurs rabbins, des islamistes et leur Daech prouvent qu’elles ont été, de tous les temps, immorales, à ce jour. Pourquoi cette immoralité a duré si longtemps ? Peut-être parce que, tout simplement, leurs activités se sont faites à l’ombre de leur morale tout en nous faisant croire que c’est la nôtre ! Aujourd’hui, grâce à internet et aux communications, parfois gratuites, on ne peut plus mentir partout à tout le monde tout le temps.
Ce progrès nous amène à la question suivante : quelle est la genèse de la morale si l’immoral est issu du Vatican, de l’Eglise et de ses couvents orientaux ? En approfondissant la sélection naturelle qui se caractérise par l’élimination du plus faible par le plus fort, Darwin a observé que l’évolution, se faisant sans discontinuité, sans rupture donc mais par un effet de revers, transformait l’élimination du plus faible par la protection du plus faible. C’est ce stade qu’on qualifie de civilisation. La morale est dans la protection du plus faible contrairement à l’Eglise qui «aime tellement les pauvres qu’elle ne voudrait finalement surtout pas qu’ils disparaissent car ils appartiennent au plan de dieu».
Cela nous rappelle Philip Alston, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme quand il constate, au mois de décembre passé, que «dans un pays riche comme les Etats-Unis, la persistance de l’extrême pauvreté est le choix politique de ceux qui détiennent le pouvoir. S’il y avait une volonté politique de supprimer la pauvreté, il serait facile de le faire».
Paul Ariès écrivait au sujet de la politique du nouveau pape : «François ne réforme pas l’Eglise pour en faire une Eglise pauvre au service des pauvres ; il réforme l’Eglise pour lui permettre de passer le mauvais cap actuel et la mettre en état de remporter sa part de marché du retour du religieux.»
Et c’est l’abbé François Luyeye à Kinshasa qui déclare cette année que «la marche des chrétiens ne s’arrêtera pas»… «En agissant ainsi, vous démontrez que vous êtes l’Eglise (…). N’en déplaise à ceux qui croient que la foi doit être enfermée dans la sacristie.» L’Eglise chrétienne ne veut pas être distancée, surtout en Afrique, où l’évangélisation a servi l’armée coloniale et les gourous d’aujourd’hui, à l’image de Mgr R. qui parvient à blanchir même le F-Haine des Le Pen !
S. K.
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