Document confidentiel : comment Washington compte démanteler la Syrie
Par R. Mahmoudi – Un télégramme diplomatique confidentiel daté du 12 janvier dernier, et envoyé par un diplomate en charge du dossier Proche et Moyen-Orient à l’ambassade de Grande-Bretagne à Washington, dévoile les détails d’une stratégie occidentale machiavélique conduite par Washington, en Syrie. Celle-ci comporte quatre points : partition du pays, sabotage des négociations de Sotchi, cadrage de la Turquie et instructions adressées au représentant spécial de l’ONU, Staffan de Mistura, qui dirige les négociations de Genève. Le tout s’accompagne d’une escalade programmée dans la région, à travers deux nouvelles guerres : celle des Turcs contre les Kurdes et celles des Israéliens contre l’Iran et le Hezbollah libanais.
Cette note, révélée par le site spécialisé en géopolitique Les Crises, est adressée dans la perspective de la deuxième réunion du «petit groupe américain sur la Syrie» qui s’est tenue le 23 janvier dernier.
Lors de la première réunion, organisée le 11 janvier, ce groupe, dont fait partie l’Arabie Saoudite aux côtés des Etats-Unis, de le Grande-Bretagne, de la France et de la Jordanie, le représentant américain informe les participants de la décision prise par le président Trump de maintenir une importante présence militaire en Syrie, malgré la victoire remportée contre Daech, précisant que le coût de cette présence a été fixé à 4 milliards de dollars.
Autre point abordé par le représentant de Washington : faire tout pour saboter les pourparlers d’Astana et privilégier un retour à Genève, en donnant tous les moyens à l’émissaire onusien Staffan de Mistura. Nouvelle tactique des Américains : enjoindre à «l’opposition» syrienne de faire preuve de souplesse dans ses exigences pour ramener «le régime» à accepter de prendre part aux discussions de Genève, et ce, pour réussir son objectif final, qui est la partition de la Syrie et le départ de Bachar Al-Assad.
«Les Américains n’ont jamais admis leur défaite militaire en Syrie et ne veulent pas lâcher le morceau et surtout leur objectif stratégique principal», commente un haut diplomate français, «celui d’un démantèlement de la Syrie, du type de celui qui a été conduit en Irak et en Libye. Leur volonté est d’armer les Kurdes pour contrôler les régions pétrolières de l’Est syrien afin de pouvoir peser sur la reconstruction politique et économique du pays». En attendant, instruction a été donnée d’accentuer les pressions, diplomatiques et psychologiques, sur Moscou pour tenter de l’éloigner du processus de dialogue en cours.
Les participants ont mis en relief l’inefficacité de l’opposition syrienne, en l’appelant à s’engager davantage dans la recherche d’une solution politique, «plutôt que de profiter de salaires mirifiques et de longs séjours dans des hôtels agréables».
A propos de l’intervention turque au nord de la Syrie, les représentants des cinq pays alliés avouent presque leur incapacité à défendre les Kurdes de l’YPG, pilonnés par l’armée turque, tout en essayant, en contrepartie, d’imposer les FDS (Forces démocratiques syriennes, majoritairement kurdes et sous contrôle américain) dans le processus de Genève. Ils s’inquiètent du tournant «conservateur et anti-occidental» pris par l’armée turque après le putsch raté de juillet 2016, et du fait que sa restructuration ait été confiée à un général «aux tendances conservatrices et islamistes».
Dans leurs conclusions, les participants à cette réunion secrète préconisent de poursuivre leur travail de propagande, en dénonçant «l’horrible situation humanitaire ainsi que la complicité russe dans la campagne de bombardements de cibles civiles». Deuxième suggestion : renforcer la capacité de dissuasion de l’Otan face aux «nouvelles menaces» venant de certains Etats, au premier rang desquels la Russie.
R. M.
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