Le gouvernement italien oblige Cevital à céder les aciéries de Piombino
De Rome, Mourad R. – Si les rumeurs au sujet des aciéries de Piombino couraient bon train ces derniers jours, le communiqué du ministre des Activités productives, Carlo Calenda, est venu mettre fin au suspense et clôt définitivement ce que la presse italienne désignait depuis quelque temps comme la «saga Cevital-Piombino».
Selon ce communiqué, le groupe algérien, mis en défaut et contraint d’accepter une administration extraordinaire d’Aferpi, sa filiale italienne, a finalement trouvé l’acquérant tant promis qui, d’ailleurs, n’est autre que le géant indien de la sidérurgie, Jindal, qui avait en décembre 2014 perdu la bataille de l’acquisition de Piombino, précisément face à Cevital.
Carlo Calenda fournissait, vendredi soir, plus de détails et ne cachait pas son optimisme : «Le président de la région Toscane me tient au courant, instant après instant, et la signature manquante (celle des Indiens, ndlr) ne saurait tarder, les dirigeants de Jindal étant en ce moment en Corée du Sud.» «Nous avons le document signé par Alger, ce qui en soi représentait l’écueil le plus difficile à obtenir», a encore affirmé le ministre italien.
Le gouvernement italien est satisfait et ses représentants ont souligné que Jindal, par le truchement des aciéries ex-Lucchini, entamera une opération stratégique pour concurrencer son rival de toujours, ArcelorMittal, sur le marché européen de l’acier et s’engagera à relancer la structure et à préserver les emplois. Un satisfecit qui laisse toutefois des sceptiques. Nombre d’observateurs estiment, en effet, que trop de temps a été perdu pour, en fin de compte, revenir à la case départ et remettre les aciéries au perdant de l’époque.
Cevital, il faut le dire, était de plus en plus en difficulté, en premier lieu vis-à-vis des autorités nationales et régionales du fait que son plan d’investissement tardait à se concrétiser, ce qui avait fini par coaliser contre le groupe algérien l’opposition de droite et les organisations syndicales dans un crescendo de contestation du choix initial fait en décembre 2014. Ce qui faisait clairement remonter la responsabilité jusqu’à Matteo Renzi, l’ancien Premier ministre italien, qui avait soutenu Cevital contre vents et marées.
Cette situation d’incertitude devenant au fil des semaines des plus intenables, l’actuel gouvernement présidé par Paolo Gentiloni, un proche de Matteo Renzi, se devait d’agir, sur fond de campagne électorale au centre de laquelle la défense des emplois et la place de l’industrie italienne dans le contexte international comptent parmi les priorités.
Quant à la droite italienne, donnée gagnante aux élections du 4 mars prochain, les premières réactions sont à la mesure du long bras de fer qu’elle a maintenu durant la saga Cevital-Piombino.
Sur le banc des accusés, l’ancien vice-ministre Claudio De Vincenti, à qui ses détracteurs reprochent de leur avoir «décrit l’arrivée de Cevital comme étant une victoire de l’Italie». «Or, en trois ans, qu’avons-nous obtenu ? Les usines sont pratiquement à l’arrêt et que dire du fameux plan industriel annoncé en grande pompe ? Les ouvriers l’attendent toujours», arguent-ils.
Enfin, pour ce qui est de Cevital et comme l’annonçait Algeriepatriotique début septembre, force est de constater que les blocages bureaucratiques et une certaine naïveté dans l’approche de négociation avec les différents acteurs de cette «saga» ont fini par décourager Issad Rebrab qui, dès juillet dernier, avait mûri la conviction de la nécessité d’un repositionnement stratégique lui permettant de récupérer auprès de son successeur si ce n’est tout, du moins une partie du cash-flow injecté dans cet investissement.
Ce dénouement conforte les contours de notre analyse et met fin à cette première expérience du groupe industriel algérien en Italie.
M. R.
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