Les véritables raisons du déplacement du président islamiste turc en Algérie
Par Karim Bouali – La visite de Recep Tayyip Erdogan en Algérie est d’ordre éminemment géopolitique. L’habillage économico-culturel que les médias à la solde de la Turquie ont voulu donner à ce déplacement n’est qu’un leurre pour cacher le désarroi du régime islamiste d’Ankara depuis que les Etats-Unis ont décidé de créer un Etat kurde dans le nord de la Syrie.
Piégé par ses alliés de l’Otan conduits par Washington, le pouvoir turc se retrouve dans une situation extrêmement délicate. Après avoir concouru à la destruction de la Syrie voisine, le régime dictatorial turc a échoué à renverser le président syrien, qui a eu l’intelligence de s’appuyer sur son puissant allié russe pour contrer une opération de déstabilisation d’envergure. Les puissances prédatrices qui s’étaient liguées contre la Syrie escomptaient pouvoir faire main basse sur les richesses de ce pays en y imposant un régime islamiste inféodé au Qatar et à la Turquie, principaux bailleurs des milices armées qui essuient des échecs cuisants et successifs sur le terrain.
La victoire de la Syrie sur ses assaillants étrangers et les graves crises internationales qui ont découlé de la guerre civile dans ce pays ont poussé de nombreux Etats occidentaux à revoir leur stratégie dans la région. Le régime d’Ankara paye le prix de son engagement hasardeux et aveugle dans le conflit syrien, dont il subit les conséquences de plein fouet. Isolé sur la scène internationale, Recep Tayyip Erdogan, qui avait arrimé sa politique moyen-orientale à la locomotive américaine, est désormais pris entre l’enclume de l’Etat kurde naissant et le marteau de l’opposition interne qui prend de l’ampleur depuis le coup d’Etat raté que l’hôte de l’Algérie impute à Fethullah Gülen, son rival, dont la grande influence au sein de la société turque effraie le pouvoir en place.
Avec l’affaiblissement du Qatar au lendemain de l’embargo imposé par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, le régime d’Ankara a été amputé de son principal associé dans l’entreprise de désintégration de la Syrie, où la présence de plusieurs protagonistes sur le terrain des opérations empêche l’aboutissement d’une paix durable.
La récente mise en garde de la Russie à Israël, qui a tenté le diable en bombardant des positions du Hezbollah, résonne comme un avertissement à toutes les puissances étrangères directement ou indirectement impliquées dans le conflit syrien. La Turquie, qui a compris le message bien avant, a tourné casaque et se frotte à nouveau aux pays – l’Algérie – qui ont su éviter le piège du «printemps arabe» et qui ont échappé, dès lors, au sort réservé à la Syrie et dont les retombées ont impacté autant les pays limitrophes que l’Europe envahie par des centaines de milliers de migrants.
La visite d’Erdogan à Alger est un aveu que la Turquie, sous le règne du parti islamiste AKP, a fait fausse route.
K. B.
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