Evaluation de l’accord de pêche UE-Maroc : la CE sommée de s’expliquer sur la non-intégration des droits de l’Homme
Les députés européens ont sommé la Commission européenne (CE) de s’expliquer sur la non-intégration des droits de l’Homme dans l’évaluation rétrospective et prospective du protocole à l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’UE et le Maroc, élaborée par les experts de la Commission dans la perspective des négociations sur un nouveau protocole de pêche et publiée début janvier.
Dans une question écrite adressée à l’exécutif européen, une vingtaine d’eurodéputés dont Jytte Guteland, Maria Lidia Senra Rodriguez, Jean Lambert et Antonio Marinho et Pinto ont exigé des explications sur la non-intégration des droits de l’Homme dans l’évaluation élaborée par la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DG MARE) de la Commission.
Ces députés européens issus des différents groupes politiques siégeant au Parlement européen ont exigé également des explications sur l’absence de consultations d’organisations sahraouies de défense des droits de l’Homme.
Ils ont rappelé, à ce titre, que la Commission a, pourtant, la responsabilité d’intégrer les droits de l’Homme dans toutes les études d’impact réalisées pour des propositions législatives et non législatives, des mesures d’exécution et des accords commerciaux ayant des impacts économiques, sociaux et environnementaux significatifs ou définissant des politiques futures de l’UE.
«Le respect des droits de l’Homme et du droit international sont loin d’être programmatiques», ont soutenu ces eurodéputés, soulignant que ce principe est consacré par l’article 205 du traité sur le fonctionnement de l’UE et rappelé en juin 2016 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire Parlement européen contre le Conseil de l’UE sur l’accord entre l’UE et la République unie de Tanzanie relatif aux conditions de transfert, de la force navale placée sous la direction de l’UE à la République unie de Tanzanie, des personnes soupçonnées d’actes de piraterie et des biens associés saisis.
La députée européenne Linnéa Engstrom a appelé, de son côté, la Commission à fournir des données précises sur les captures dans le cadre des récents protocoles avec le Maroc pour la dernière période pour laquelle elle dispose de données sur les captures, notamment depuis 2010. Cette eurodéputée exige de l’exécutif européen de spécifier les quantités capturées dans chacune des divisions établies par le Comité des pêches pour l’Atlantique centre-est (COPACE) : 34.1.1, 34.1.2 et 34.1.3 et qui correspondent, respectivement, à la côte marocaine, aux îles Canaries et de Madère, ainsi qu’à la côte du Sahara Occidental occupé. Elle a rappelé, à ce titre, que le règlement européen de contrôle de la pêche (règlement 1224/2009) exige que les données de capture soient collectées conformément aux sous-divisions de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Mais la Commission européenne n’était pas en mesure de fournir des données précises sur ces captures. Selon le commissaire européen aux Affaires maritimes et de la pêche, Karmenu Vella, la base de données utilisée à cette fin n’était pas pleinement opérationnelle avant 2015 et «la Commission n’a donc pas reçu, de façon homogène des Etats membres, les données correspondant aux sous divisions de la FAO pour les années précédentes». Il a précisé, à ce titre, que «les sous-divisions de la FAO ne correspondent pas aux zones de pêche définies dans les accords de pêche».
Dans ses conclusions rendues le 10 janvier dernier, l’avocat général de la Cour européenne de justice (CJUE) a constaté que la majorité de l’exploitation prévue par l’accord de pêche UE-Maroc vise presque exclusivement les eaux adjacentes au Sahara occidental. «Les captures effectuées dans ces eaux représentant environ 91,5% des captures totales effectuées dans le cadre de l’exploitation halieutique instaurée par l’accord de pêche», a-t-il précisé. Il a, d’ailleurs, affirmé que l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalide en raison de son application au Sahara Occidental et à ses eaux territoriales.
R. I.
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