Pourquoi Erdogan était-il crispé durant sa visite officielle en Algérie ?
Par Karim B. – Fatigue ? Contrariété ? Angoisse due à son éloignement d’Ankara dans un contexte délicat pour la Turquie ? Quelle qu’en soit la raison, d’aucuns auront remarqué que le président turc n’a pas esquissé le moindre sourire depuis sa descente d’avion jusqu’à son départ. La mine défaite, le visage fermé, Recep Tayyip Erdogan a semblé mal à l’aise lors de son déplacement de deux jours dans notre pays.
Décrite comme une «visite historique» et ayant bénéficié d’une couverture médiatique excessive, l’escale de l’homme fort d’Ankara en Algérie a néanmoins été marquée par la réaction perplexe d’intellectuels et de médias qui ont exprimé leur scepticisme quant au faux optimisme dans lequel certains ont essayé de draper l’événement, malgré les profondes divergences qui caractérisent les positions des deux pays sur pratiquement toutes les questions internationales.
Le président turc a-t-il été informé des vives critiques contre son régime avant sa venue en Algérie ou en veut-il aux dirigeants algériens de ne pas l’avoir soutenu dans son entreprise de destruction de la Syrie et sa participation à l’exacerbation de la guerre civile en Libye ? On n’en saura rien. Mais, derrière la courtoisie éminemment protocolaire et l’accueil «grandiose» réservé à l’hôte «venu aider le pays à sortir de la crise» se profile le désaccord total de l’Algérie vis-à-vis de la politique arabe de la Turquie sous la conduite du parti islamiste AKP.
Les autorités algériennes n’ignorent pas, non plus, que la Turquie mène une offensive – discrète au début mais désormais de plus en plus ostentatoire – qui vise à propager son idéologie en Algérie, en s’appuyant sur des relais dans des secteurs aussi sensibles que la politique, les médias et la mosquée. Les trois brèches essentielles à travers lesquelles s’engouffrent les Frères musulmans dont Erdogan est désormais le mentor depuis la chute du régime théocratique éphémère de Mohamed Morsi en Egypte.
Pour se rendre compte de cette action d’endoctrinement et d’invasion insidieuse, il suffit de lire le long serment d’allégeance rédigé par le chef du MSP, Abderrezak Mokri, sur le site officiel de ce parti islamiste, l’obligation de fidélité et d’obéissance fièrement exhibée par le député de l’ex-FIS, Hassan Aribi, sur les réseaux sociaux et la saturation médiatique menée par des médias algériens arabophones connus pour être en lien étroit avec le régime d’Ankara. Une action qui a commencé avec la prolifération des feuilletons à l’eau de rose turcs sur les chaînes de télévision privées de même obédience.
Les valets d’Erdogan à Alger ont-ils failli à leur mission ? Ils le sauront lors d’un de leurs «très fréquents voyages à Istanbul» (dixit Mokri).
K. B.
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