Maroc : poursuite de la grogne sociale à Jerada malgré les mesures proposées
La situation se dégrade de plus en plus à Jerada (nord-est du Maroc), où la mort a de nouveau frappé après le décès par électrocution d’un mineur dans un puits de charbon, portant à quatre le nombre des victimes en deux mois environ, alors que la contestation s’est poursuivie cette semaine dans l’ancienne ville minière, en dépit des mesures proposées par le gouvernement pour contenir la grogne, selon des médias locaux.
Un jeune mineur de 25 ans vient de mourir dans un puits d’extraction de charbon à Jerada, ancienne ville minière du nord-est du Maroc. La victime, qui s’appelle Fethi Kettari, est morte électrocutée dans un puits de charbon dans la ville de Touissint, relevant de la province de Jerada, théâtre de manifestations depuis plus de deux mois après la mort de deux frères piégés dans un autre puits, rapportent des médias locaux.
Les quartiers de Jerada «se sont transformés en “agoras”», où des habitants non convaincus par les mesures proposées par le gouvernement ont appelé à désigner de nouveaux représentants auprès des autorités, selon le site TelQuel.
La contestation, enclenchée à Jerada suite à la mort tragique de deux mineurs dans une mine de charbon à Jerada le 22 décembre 2017, et suivie par le décès d’un troisième mineur, le 1er février dernier, a connu une accalmie jusqu’à samedi 24 février sur la place principale de la ville. Et pour cause. «La présence des forces de l’ordre s’est accentuée, empêchant toute marche en direction du centre-ville», a déclaré Abdessamad Habbachi, représentant de l’un des comités de quartier.
Cette accalmie est le résultat de deux semaines de débats pour discuter dans le fond les propositions formulées par le gouvernement. Mais les habitants rejettent les «solutions bricolées par le gouvernement», a déclaré Mustapha Dainane, membre du Hirak.
Pour le Hirak, nom donné localement au mouvement de contestation, comme dans le Rif (nord), la situation ne s’arrange pas. Dès lors, les sit-in et autres débats collectifs organisés à une fréquence quasi quotidienne se sont limités au niveau des quartiers. Quelques milliers de personnes, selon les manifestants, ont investi les rues de la ville vendredi, samedi et dimanche en demandant des mesures économiques «concrètes».
Jerada veut du concret
Dans le cadre de leurs manifestations pacifiques, les manifestants dénoncent l’«abandon» de leur ville, sinistrée depuis la fermeture de ses mines vers la fin des années 1990, et réclament une «alternative économique» aux «mines de la mort» existantes.
«Les mesures proposées par le gouvernement comportent quelques points positifs, mais restent globalement insatisfaisantes par rapport aux demandes explicitées dans notre cahier revendicatif», estime Abdessamad Habbachi. Des issues de crise «insatisfaisantes» parmi les mesures proposées pour relancer l’activité économique.
«Après avoir pris acte des propositions du gouvernement, on ne parle plus d’alternatives économiques, mais d’alternatives réelles», indique Abdelkader Iguili, l’un des coordinateurs des comités de quartiers. «Viennent ensuite la reddition des comptes, puis le sempiternel problème de la facturation de l’eau et de l’électricité et du logement des anciens mineurs», poursuit-il.
«Les contestations se poursuivront tant que des solutions urgentes ne seront pas formulées», prédit Lakhdar Mahyaoui, représentant local d’Amnesty Maroc.
Des centaines de mineurs risquent quotidiennement leur vie dans la région pour extraire du charbon que revendent des notables locaux grâce à des permis d’exploitation. Chaque année, des hommes meurent en silence dans les mêmes conditions. Le malheur : faute d’alternatives économiques, des jeunes souvent diplômés sont contraints de creuser des mines.
Le Maroc a connu ces derniers mois deux autres mouvements de contestation sociale dans le Rif (nord) après la mort tragique d’un marchand de poissons en octobre 2016 et dans le sud désertique après des coupures d’eau liées à la surexploitation agricole.
R. I.
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