Craignant un effet de contagion : Mohammed VI sort la matraque à Jerada
Par Sadek Sahraoui – Le Makhzen, qui se gargarise d’être un exemple en matière de respect des droits de l’Homme dans la région, a sorti la grosse artillerie pour réduire au silence la localité démunie de Jerada dont la population manifeste pacifiquement depuis des semaines pour réclamer du travail et dénoncer son exclusion de tous les plans de développement du pays. Jerada est l’une des villes les plus économiquement sinistrées du royaume. Elle l’est devenue encore plus depuis la fermeture de ses mines à la fin des années 1990.
Les forces de l’ordre marocaines ont reçu, mercredi 15 mars, l’ordre de réprimer dans le sang tout ce qui bouge. Neuf personnes ont déjà été interpellées, hier, mercredi. De nombreux autres ont été blessées après avoir été bastonnées sans pitié aucune. Des médias locaux rapportent que les blessés parmi la population ne sont pas allés à l’hôpital de peur de se faire arrêter.
Preuve que le Makhzen a décidé de mettre en branle sa machine répressive, la préfecture de Jerada a annoncé dans la foulée l’interdiction de «toute manifestation illégale» dans la province, à compter de mercredi. Les meneurs du Hirak sont, quant à eux, traités de «voyous», de «perturbateurs» et de «dangers pour l’ordre public». Mohammed VI et sa police politique qui comptaient sur un essoufflement du mouvement sont surpris par l’endurance de la population. Ils ont peur d’un éventuel effet de contagion, surtout que la majorité des localités du Maroc profond sont pauvres. C’est la raison pour laquelle ils emploient à nouveau la manière forte.
Le ministère marocain de l’Intérieur reprend pratiquement ainsi la même terminologie et les mêmes arguments utilisés pour faire taire les manifestations du Rif. «Ces interpellations ont été motivées par le fait que des éléments cagoulés (…) ont provoqué les forces publiques, les attaquant avec des jets de pierres. Ces forces ont été obligées d’intervenir, en coordination avec le parquet compétent, pour disperser cette manifestation», affirme-t-il dans un communiqué qui a suivi les rafles policières d’hier. Selon la même source, des «manifestants ont incendié cinq voitures des forces publiques et occasionné d’importants dégâts matériels» et «neuf personnes ont été interpellées et seront déférées devant la justice».
Bien évidemment, les choses ne se sont pas du tout passées de la sorte. Ce n’est que de la pure propagande. Vidéos à l’appui, les militants du Hirak de Jerada accusent, au contraire, les forces de l’ordre d’avoir chargé des manifestants. Bien que le pouvoir marocain ait sorti la matraque, la population locale promet de rester mobilisée et de montrer dès ce week-end au Makhzen qu’elle est décidée à se battre pour sa dignité.
La mort accidentelle, fin décembre, de deux mineurs dans un puits désaffecté de charbon, suivie depuis de deux autres décès accidentels, a mobilisé la population. Si l’ancienne mine a été fermée en 1999, l’extraction du charbon a continué de façon clandestine, bénéficiant à des notables locaux pendant que les travailleurs s’aventurent dans ces mines dans des conditions de sécurité et de travail indignes. Et cela les jeunes de Jerada n’en veulent plus.
S. S.
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