Pitoyable Qatar
Par R. Mahmoudi – Qui aurait imaginé qu’en 2011 l’émirat du Qatar, qui faisait alors la pluie et le beau temps (plutôt la pluie), allait se retrouver six ans plus tard dans cette situation d’Etat pestiféré, se rangeant du côté des victimes et négociant sa survie avec ceux-là mêmes qui l’avaient sous-traité pour détruire et ruiner des pays entiers ? Qui se souvient aujourd’hui de l’arrogant Premier ministre, qui était aussi chef de la diplomatie, porte-parole du gouvernement, rédacteur en chef d’Al-Jazeera et chambellan de palais, Jassem Ben Hamad, qui menait la Ligue arabe à la baguette et se plaisait à sermonner ses homologues en direct à la télévision ? Qui, en dehors des Frères musulmans et leurs affidés, pleurera la dégénérescence d’un régime qui a fait tant de mal et planifié la mort de tant d’Etats et de nations ?
Aujourd’hui, cet Etat confetti traverse une sérieuse crise existentielle qui risque de l’emporter, en se rendant compte, tout d’un coup, qu’il n’a plus sa place entre les deux grands voisins que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite et que, pour un équilibre des forces dans la région, il doit s’effacer totalement ou se dissoudre dans l’une ou l’autre puissance. Voilà à quoi est réduit son rôle dans ce nouveau monde pour lequel il avait tant misé mais qu’il ne maîtrise plus.
Toutes ses accointances avec les Etats-Unis et Israël ne lui sont, aujourd’hui, d’aucun secours. Le limogeage brutal du secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, qu’on disait plutôt sensible aux pleurnicheries des Al-Thani, a enfoncé le dernier clou sur le cercueil de ce régime moribond. Il ne faut pas oublier que c’est sous le conseil avisé des cabinets et think tanks américains et israéliens que les dirigeants qataris avaient décidé de cultiver le soft power – la chaîne Al-Jazeera, née dans le cerveau d’un conseiller israélien – pour gagner les faveurs des Frères musulmans et lancer les pseudo-révolutions arabes pour fractionner le Maghreb et le Moyen-Orient et changer les régimes les moins dociles à l’égard du condominium israélo-américain.
Voilà donc le destin d’un petit émirat qui a été téléguidé par d’autres pour des desseins de reconfiguration de l’ordre régional qui le dépassent et qui dépassent de loin l’esprit étroit de ceux qui le gouvernent.
R. M.
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