Le sens d’une victoire
Par Mrizek Sahraoui – Vladimir Poutine remporte haut la main l’élection présidentielle de ce 18 mars, une date désormais doublement symbolique qui a de bonnes chances de rester dans les annales et marquera l’histoire de la Fédération de Russie, une victoire synonyme d’«un signe de confiance et d’espoir des Russes», a analysé le président fraîchement réélu.
Avec une participation – enjeu majeur de ce scrutin – estimée à 60% et 75% des suffrages exprimés en sa faveur, selon des résultats encore partiels, Vladimir Poutine aura les coudées franches tout au long du sextennat à venir, la durée de ce nouveau mandat empli d’attentes socio-économiques lourdement impactées par la baisse des prix des hydrocarbures, et aux enjeux géostratégiques particulièrement et résolument complexes.
Pour plusieurs raisons, il était difficile d’imaginer Vladimir Poutine perdre cette élection, son bilan parlant pour lui. Et puis, d’une part, les principaux prétendants n’ont pas présenté de sérieux arguments dans un marigot de la politique russe largement dominé par celui qui incarne la fierté et la grandeur de la Russie, qu’il a ressuscitée alors qu’elle était plongée, vers la fin des années URSS et le début de la période post-séparation, dans un chaos indescriptible.
Ensuite, les électeurs n’ont pas la mémoire courte. A l’évidence, ils gardent encore vivace le souvenir de ces années-là, du temps où le taux de croissance du PIB se situait à moins de 15% ; le chômage frôlait la barre des 10% de la population active, très nombreuse eu égard à la démographie russe. Epoque aussi où la dette publique russe montait jusqu’à 93% du PIB, avec alors une balance commerciale structurellement déficitaire, présentant dans le meilleur des cas un solde modique d’un peu plus de 37 milliards d’euros à l’importation et 47 milliards à l’export, des chiffres largement en deçà des capacités d’un grand et vaste pays comme la Russie.
Puis, peu après son élection, Vladimir Poutine avait réussi la gageure de redonner des couleurs à une économie autrefois en berne, avec un taux de croissance annuel à deux chiffres ; un taux de chômage depuis lors avec une courbe constamment descendante (5,4% en 2017) ; une dette publique réduite et amenée à 15% ; une balance commerciale largement excédentaire, présentant à son apogée 507 milliards d’euros à l’export pour 180 milliards de produits importés – pour l’année 2016. Le pourcentage des populations pauvres est passé à 2,7% en 2015, alors qu’il avait atteint plus de 37% en 1999. Sous l’ère Poutine, la taïga et la toundra sibériennes ont laissé place aux champs pétrolier et gazier.
Et, enfin, pour avoir développé les capacités militaires de son pays, donné et porté la voix de la Russie, désormais incontournable sur la scène internationale, su résister aux sanctions, parfois injustifiées aux yeux de nombre d’analystes des pays occidentaux et, surtout, de ne pas s’être plié aux récentes injonctions britanniques, Vladimir Poutine est presque apparu comme le successeur naturel à lui-même, seul capable et fin connaisseur des rouages d’une énorme machine : la Russie du XXIe siècle aux prises avec un Occident de plus en plus conquérant et vorace.
M. S.
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