Vision paranoïaque
Par R. Mahmoudi – La question des immigrants subsahariens revient dans les débats et les commentaires avec une obsession renouvelée. Il y a eu, d’abord, la signature, par Ahmed Ouyahia, à Kigali, d’un accord instituant la zone africaine de libre-échange. Certains y ont vu un acte suicidaire, en comparant cette stratégie africaine au «plan Kalergi» du nom de l’homme politique allemande Richard Coudenhove-Kalergi (1894-1972) qui fut fustigé pour avoir plaidé pour une Europe multiraciale, en permettant un mélange des races.
En plus d’avoir des relents racistes, cette comparaison est nettement exagérée parce que, non seulement l’Algérie a émis des réserves claires sur certains points relatifs à cet accord, mais il n’y a rien dans l’adhésion à une zone de libre-échange commerciale qui compromette directement l’avenir d’un pays qui partage d’aussi vastes frontières avec ses voisins africains et avec lesquels il est lié par des accords de coopération depuis toujours, ou qui puisse justifier une telle contraction.
Cette peur surfaite qui a été provoquée par l’engagement de l’Algérie dans un accord qui, au demeurant, restera lettre morte, est confortée par une déclaration du ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, révélant que quelque 27 000 migrants subsahariens ont été rapatriés vers leur pays d’origine ces trois dernières années et affirmant, au passage, que l’opération se poursuit.
Ces données montrent, en effet, l’ampleur de cette «invasion» subsaharienne et révèlent au grand jour la vulnérabilité de l’Algérie face à ce fléau transfrontalier. Mais faut-il prendre cela comme un alibi pour rejeter, comme le font certains, toute idée de coopération ou d’échange avec les autres peuples d’Afrique ?
Dans leur vision paranoïaque, certains Algériens attribuent la réapparition de la rougeole dans les régions du Sud, justement, à la présence de ces migrants subsahariens dans notre pays. Ils ignorent ou feignent d’ignorer que le retour de cette épidémie touche actuellement un grand nombre de pays, notamment européens, et qu’il est dû à des dysfonctionnements qu’il faudrait chercher plutôt dans le système de santé mondial, donc à l’OMS.
R. M.
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