L’initiateur du boycott de l’achat des voitures se confie à Algeriepatriotique
Vous êtes l’administrateur de la page facebook «Boycott achat des voitures» (Mouqata’at chiraa el-essayarat). Quand avez-vous créé cette page et dans quel objectif ?
La page a été lancée spontanément en mai 2017 et publiait, alors, les prix des voitures dans le monde. Nous discutions avec les followers à travers des vidéos expliquant la bonne façon de mettre en place une base industrielle spécialisée dans le montage de voitures.
Cette campagne vise à sensibiliser le public pour faire face à ce genre de situations de manière pacifique et civilisée, parce que boycotter, c’est renoncer volontairement à acheter un quelconque produit mis sur le marché par une partie ayant, volontairement ou involontairement, causé du tort. Cette campagne vise à attirer l’attention de ladite partie pour qu’elle change de cap.
Un des objectifs de la campagne est, aussi, de briser le monopole et la prédation exercés sur le citoyen par les spéculateurs en général et les usines de montage en particulier. Notre objectif est de dénoncer ces pages Facebook qui diffusent de fausses news à l’origine de la hausse des prix des voitures et font croire au consommateur algérien qu’il y a toujours crise.
Notre but est donc de ramener les prix des voitures à leur niveau réel. Notre page s’intéresse aussi, en dehors du marché des véhicules, à la lutte contre les accidents de la route, en publiant des conseils sur la circulation. Nous publions également des annonces pour les personnes disparues ou toute personne demandant de l’aide.
Comment expliquez-vous l’engouement des Algériens et des internautes d’autres nationalités pour votre page ?
Ceux qui envoient leurs photos de l’extérieur du pays et arborent le mot d’ordre du boycott sont des proches parents, des amis ou des voisins. On trouve aussi parmi eux des Algériens qui travaillent à l’étranger et qui, lorsqu’ils rentrent au pays pour passer les vacances ou le Ramadhan, veulent acheter une voiture, mais se heurtent à une Symbol à 200 millions, l’équivalent de 15 000 euros. Ils trouvent cela inacceptable, car avec cette somme, on peut se payer une voiture de luxe en Europe, dans les pays du Golfe ou même aux Etats-Unis, ce qui les fait interagir avec la campagne de boycott.
Le marché a reculé et le gouvernement a même annoncé le contrôle des prix des voitures. La campagne «Kheliha tssadi» y est-elle pour quelque chose, à votre avis ?
La décision du ministère de l’Industrie de publier ces prix a jeté de l’huile sur le feu, à telle enseigne que la campagne de boycott s’est propagée comme une traînée de poudre. Et, résultat, de nouvelles pages appelant au boycott sont apparues. Comme si tout cela était commandité pour faire baisser les prix et relancer l’opération de vente.
La campagne de boycott va-t-elle se poursuivre en dépit de la baisse relative des prix des véhicules ?
Le boycott se poursuit et ne s’arrêtera pas tant que le prix des voitures ne reviendra pas à la normale.
Vous avez publié sur votre page des vidéos réalisées dans les usines Renault et Hyundai, dans lesquelles nous pouvons voir des centaines de voitures neuves stockées. Comment l’expliquez-vous alors que nous savons que des clients sont priés d’attendre deux à trois mois pour que leur demande soit satisfaite ?
Les photos de voitures stockées sont réelles et visent à faire croire aux citoyens qu’il y a toujours une crise pour justifier ainsi le maintien de la hausse des prix. Nous tenons cette information de membres du personnel de Renault à Oued Tlélat.
Sur votre page, vous mettez en garde les followers sur le fait que les spéculateurs et les propriétaires de ces usines vont essayer de casser le boycott. Comment, selon vous, ils auraient pu agir ?
On connaît beaucoup de pages qui veulent briser le boycott, en essayant de manipuler l’opinion publique, en disant que les boycotteurs sont des spéculateurs frustrés qui chercheraient à se venger ou quelque chose comme ça. Aussi, ces pages téléguidées tentent de noyauter la campagne de boycott en diffusant de vieilles vidéos de Tahkout, ce qui va tout de suite démotiver la personne qui les visionne.
Ces mêmes pages appellent à boycotter l’essence, le lait et d’autres produits, afin de détourner le sens du boycott, tout en sachant que le carburant algérien est le moins cher au monde.
En réalité, toutes les pages du boycott ont besoin de l’aide des chaînes et des journalistes algériens pour faire face à leurs détracteurs, qui sont pour la plupart des spéculateurs. Ce sont des pages commandées et financées par les usines de montage.
Certains médias étrangers ont parlé de votre campagne. Quelle a été votre réaction ? Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Oui, de nombreux médias étrangers ont parlé de la campagne. Pour moi, c’est quelque chose de normal. Il y en a même qui nous ont contactés pour des interviews, que ce soit en Algérie ou à l’étranger, mais nous avons refusé. Nous tenons à rester dans l’anonymat ; vous êtes le seul autorisé à nous poser des questions. Quant au succès de la campagne, je ne saurais trop dire où cela va aboutir.
Votre campagne est une réponse citoyenne non violente à l’impunité de certains hommes d’affaires qui ne reculent devant rien pour s’enrichir sur le dos des citoyens. Conseillez-vous aux citoyens de rééditer cette expérience dans d’autres domaines ?
Je ne pense pas qu’il y ait en Algérie un autre domaine comparable au secteur automobile. Nous avons un beau pays, et moi, en tant que citoyen algérien, j’aurais aimé voir chez nous une industrie automobile développée, dont on pourrait parler dans notre page avec fierté.
Entretien réalisé par Mohamed El-Ghazi
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