Et maintenant ?
Par Mrizek Sahraoui – Hormis quelques voix minoritaires discordantes, la classe politique française dans son ensemble a réduit la question du terrorisme qui frappe le pays depuis au moins trois ans à la bonne ou mauvaise gestion – presque administrative – et au suivi des fichés S, notamment les 12 000 islamistes radicalisés, désormais ennemis publics responsables, pour ceux qui sont déjà passés à l’acte, de l’endeuillement de la nation entière suspendue au sort qui devrait être réservé à ces «égarés» de la République qui, elle, ne sait pas vraiment quoi en faire, source par conséquent d’une polémique récurrente après chaque attentat, remettant ainsi en cause les lois antiterroristes, le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont inefficaces au regard du nombre des victimes déplorées depuis janvier 2015.
Plus pragmatiques et refusant les solutions simplistes qui consistent à limiter le débat autour des fichés S, seuls quelques-uns d’entre les responsables politiques accordent un peu plus d’intérêt aux vraies autres origines du problème du terrorisme, allant chercher les causes qui poussent des jeunes, avec un passé en totale contradiction avec la foi et la pratique religieuse, à s’attaquer au pays qui les a vus naître et grandir, le haïssant de toutes leurs forces.
Loin l’idée de faire abstraction de l’endoctrinement pratiqué sur certains dans les mosquées par des «grands frères» rompus aux thèses djihadistes et se disant fervents défenseurs de l’islam radical. Pas plus qu’il ne viendrait à l’esprit de nier l’existence d’un «islamisme souterrain», l’«ennemi insidieux» de la France que dénonce Emmanuel Macron, cet islamisme – autrefois encouragé parce que loin d’avoir été alors une menace –, qui s’est développé au fil du temps dans les caves des cités des banlieues, ces banlieues que l’Etat a oubliées, abandonnées.
Cependant, dire que ces deux postulats sont les seuls principaux vecteurs du terrorisme relève, à la fois, d’un déni flagrant de réalité, mais aussi d’un refus obstiné de reconnaître d’avoir eu tort de la part des gouvernements successifs, s’inspirant de l’une des pensées pascaliennes : «Les hommes, n’ayant pu venir à bout de la misère, de la mort et de l’ignorance, ont préféré n’y plus penser», une pensée tout à fait séante et applicable aux banlieues françaises.
Si, aujourd’hui, ces territoires perdus de la République sont le principal pourvoyeur de fichés S, de radicalisés passés ou prêts à passer à l’acte, si la France est devenue la cible privilégiée des djihadistes, ce n’est certainement pas un hasard pour, au moins, deux raisons majeures, l’une en relation avec la situation socio-économique des banlieues, l’autre en rapport avec les politiques arabe et africaine de la France.
Sur le plan interne d’abord, 35% des populations des quartiers – de façon récurrente stigmatisées et souvent taxées d’assistés profiteurs des prestations sociales, vivant de trafics en tout genre, développant une économie souterraine – vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le chômage y bat des records – plus de 20% à certains endroits –, le double de la moyenne nationale, tant et si bien que cela a fini par constituer les ferments du rejet et de la haine, creusant le fossé déjà énorme entre cette catégorie de citoyens et la République.
Sur le plan extérieur, d’autre part, les interventions militaires françaises au Moyen-Orient et en Afrique, jugées intempestives et source de chaos, sont perçues comme un néocolonialisme déguisé, quand le conflit israélo-palestinien s’invite et se vit pleinement dans les banlieues.
Il est clairement acquis que ni les lois antiterroristes ni les centres de déradicalisation, encore moins le fichage des éléments potentiellement dangereux, ne suffisent à protéger les Français, résolument convaincus que le risque zéro n’existe pas, les services de sécurité sont impuissants face à la menace, l’Etat est incapable d’apporter les réponses attendues et, qu’après chaque attaque, se pose la question de savoir quand et où aura lieu la prochaine.
M. S.
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