Mise au point du professeur Abdellali Merdaci
Lorsque je proposais ma tribune à Algeriepatriotique («Brève adresse à un naturalisé honteux», 28 mars 2018), citant nommément le comédien et écrivain français d’origine algérienne Slimane Benaïssa et ses turpitudes, j’ignorais sa nomination en qualité de commissaire du Festival du théâtre de Béjaïa (29 octobre-4 novembre 2018), rapportée par un quotidien national le même jour. Cette nomination d’un «mandataire de la France néocoloniale», selon la formule du philosophe Mohamed Bouhamidi, est antinationale et antipatriotique. Il convient de la dénoncer.
Slimane Benaïssa a quitté l’Algérie et a été naturalisé français en 1993, au moment où des Algériens mouraient sous le feu et les lames de l’islamisme armé. Ce chemin résolu vers la France d’un membre de l’élite artistique algérienne est dans son principe condamnable parce que c’est clairement une défection. Benaïssa n’a pas quitté l’Algérie pour un exil (même doré, accompagné et protégé par le gouvernement de la France), mais pour changer de pays et s’inventer une «patrie de rechange». C’est, bien entendu, son droit, mais qu’il ait la dignité d’en tirer toutes les conséquences. J’ai bien écrit que cette engeance de naturalisés sans foi ni loi s’entend pour grappiller et enlever le pain de la bouche des Algériens. Benaïssa, après tant d’autres, vient de le faire.
Cette nomination à un poste de responsabilité dans le champ culturel algérien ne peut être qu’une erreur du gouvernement et M. Mihoubi, ministre de la Culture, en porte l’entière responsabilité. Cette mesure témoigne d’un grave mépris pour tous les Algériens, dans tous les domaines d’activité, qui ont soutenu dans les années 1990 leur pays menacé, souvent au risque de leur propre vie. Il n’a pas manqué et il ne manque pas aujourd’hui d’hommes et de femmes de théâtre compétents qui méritent cette distinction dans leur propre pays, qu’ils n’ont jamais abandonné. Consacrer Slimane Benaïssa, qui a été égoïste et qui n’a pensé qu’à sauver sa peau, alors que tombaient, au cœur d’une nuit tragique pour le théâtre algérien, Azzedine Medjoubi et Abdelkader Alloula, qui nourrissaient jusqu’au jour de leur disparition des projets pour ne jamais abdiquer devant les ténèbres intégristes, est une insulte à la profession et à ses valeurs. Elle est ressentie aussi par les hommes et par les femmes de culture et par les Algériens qui gardent dans leur âme la douleur d’êtres chers sacrifiés pour que se relève leur pays.
Le retour au-devant de la scène algérienne d’un planqué, d’un homme de l’arrière, qui s’est abrité sous la couverture juridique nationale de l’ancienne puissance coloniale, est choquant et scandaleux. Il est inexcusable. Comment l’Algérie officielle peut-elle honorer et élever à une mission de promotion de la culture nationale un artiste qui a renié son pays en ses sombres années ? Cette décision, injuste et inappropriée, ne peut qu’amplifier l’incompréhension entre les Algériens et leurs gouvernants.
A. M.
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