Macron dernier président républicain avant l’avènement de l’extrême-droite
De Paris, Mrizek Sahraoui – A un peu moins de deux mois de l’anniversaire de la prise de fonction d’Emmanuel Macron, les résultats de sa politique sont mitigés, rien n’est gagné, n’est pour autant catastrophique. Mais tous les spécialistes de la vie politique française, ceux qu’on n’invite jamais sur les plateaux de télévision, le disent avec certitude. Le mandat Macron, s’il venait à échouer, pourrait être le dernier entre les mains d’un républicain avant que la France ne tombe entre celles de l’extrême droite. Une alerte d’autant plus sérieuse, même si aucun signe d’inquiétude ne transparaît dans les rangs de la majorité, qu’Emmanuel Macron, prenant lui-même la mesure du risque, semble revenir aux fondamentaux avec le changement de paradigme et un retour, plutôt que prévu, à l’exercice du pouvoir habituel propre à la Ve République. Finie apparemment la posture jupitérienne.
En raison de nombreuses futures adversités, venant du flanc gauche, comme de droite, qui guettent le président Macron. D’abord, le chef de l’Etat français court le risque d’une convergence des luttes syndicales en un front uni pérenne dont l’envergure se mesurera à l’aune des grèves à venir, prévues dans le secteur public dès le 2 mars au soir, pouvant paralyser tout le pays et, à terme, obérer la légère reprise économique.
Ensuite, pour être sortie en lambeaux des élections présidentielles, la droite tente de se reconstruire non pas sur les clivages traditionnels, mais en changeant de braquet poussé vers plus de droite, allant chouchouter et draguer les onze millions d’électeurs du Front national. Ils sont toujours là, avec les mêmes idées, la même détermination et, surtout, le même objectif, avec toutefois un handicap de taille : il leur manque un leader. Après son échec au débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle, Marine Le Pen ne fait plus vraiment l’unanimité au sein de la mouvance nationaliste-souverainiste, alors même que personne, dans un souci de préserver un semblant de loyauté, ne le crie sur les toits.
Pour incarner le rôle d’une opposition forte et crédible, la droite joue la reconquête des militants de base purs et durs, avec des appels de pieds incessants aux électeurs frontistes. Vers le centre, il est peu probable que les appels trouvent un quelconque écho. Les choses ne se présentent pas comme autrefois, où ce côté-ci de l’échiquier politique a toujours existé, accroché aux basques des libéraux. A présent, le centre s’est complètement dilué dans le mouvement du président. Seule solution pour une renaissance salvatrice, c’est alors d’aller grappiller les voix, très nombreuses, du Front national qui a, par les temps qui courent, marqués par la menace permanente des attaques terroristes, toutes les chances de voir affluer davantage d’adhérents.
Pour preuve, le discours de Laurent Wauquiez, le nouveau chef du parti des Républicains, n’a rien à envier à la rhétorique habituelle de l’extrême droite où viennent se frotter, sans la moindre gène, nombre de cadres, députés et anciens ministres issus des rangs de la droite, ouvertement de moins en moins hostiles à un rapprochement entre les Républicains et le Front national.
Un autre risque latent, enfin, pourrait découler de la politique étrangère d’Emmanuel Macron. L’alignement sur la position britannique dans l’affaire d’empoisonnement de Sergueï Skripal a suscité des interrogations. Les multiples interventions militaires à l’étranger tardent à donner les résultats escomptés. Ayant, à la base, pour objectif de juguler la menace terroriste, inefficaces, ces opérations militaires n’ont fait qu’accroître l’insécurité des Français à l’extérieur comme sur le territoire national qui subit régulièrement des attaques meurtrières. En proposant de servir de médiateur entre la Turquie et les forces arabo-kurdes en Syrie, une démarche qualifiée d’irrationnelle par Ankara, la France risque de se retrouver – tardivement –mêlée dans un conflit où elle pourrait y laisser des plumes.
Jusqu’à quand les Français vont-ils se contenter de promesses? Au moins jusqu’au terme de ce quinquennat. Mais si les luttes syndicales continuaient de déstabiliser le gouvernement, la droite parvenait à fusionner ou à happer l’extrême-droite ou vice versa, et sur les théâtres des opérations, au Sahel notamment, les militaires mouraient encore, Emmanuel Macron aurait toutes les peines à briguer un nouveau mandat. Comme le mettent objectivement en garde certains spécialistes libre-exaministes, intellectuellement affranchis des pesanteurs médiatiques et partisanes.
M. S.
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