Contribution – La finance dite islamique en Algérie est un simple maquillage
Par Mustapha Baba-Ahmed – La rencontre organisée est présentée comme un grand évènement visant le double objectif : lutter contre l’économie informelle et stimuler la banque islamique, le second objectif devant contribuer à la réalisation du premier. Ce lien peut effectivement servir de vecteur pour réduire l’ampleur de la part informelle dans l’économie, à la condition que d’autres facteurs favorables soient mis en œuvre de façon à la fois opportune et avantageuse.
Il n’entre pas dans notre intention de décliner ces facteurs. Il nous suffira de souligner la nécessité d’éviter de faire fausse route en matière de banque islamique. Celle qui est pratiquée à l’interne et à l’international est davantage un slogan qu’une réalité, laquelle doit être conforme aux prescriptions divines. Dieu n’a que faire de nos prétentions ; Il apprécie le fonds de nos intentions et juge tous nos comportements.
Le monde musulman a, au milieu des années soixante-dix, au niveau de l’OCI, décidé de mettre en place un système bancaire spécifique qui ne recourt pas au «riba» (usure, ndlr), interdit dans plusieurs sourates du Coran (Al-Baqara, Al-‘Imrân, Al-A’arâf et Al-Roûm), sans parler de sourate Annissaâ’, qui rappelle l’interdiction qui en avait été faite aux enfants d’Israël et qui n’a pas été respectée.
Il importe de s’interroger sur le concept divin riba et, pour cela, mettre en perspective ce concept et son équivalent humain. S’agit-il de l’intérêt quel que soit le niveau de son taux nominal ou seulement du cas où le taux réel est positif ? Si on considère qu’est illicite tout intérêt quel que soit son taux et quel que soit le taux d’inflation, c’est-à-dire la perte de pouvoir d’achat du prêteur, on pénalise ce dernier et on risque d’inciter l’emprunteur à ne pas vouloir s’acquitter de sa dette. Ne peut-on pas recourir à l’interdiction faite dans le message de Choaïb dans trois sourates (Al-A‛araf, Houd et Asshou’ara) de ne pas accorder l’importance qu’il faut aux affaires des autres pour considérer que seule est illicite la part du taux d’intérêt qui dépasse le taux d’inflation dans l’économie, donc le taux réel positif ? Mais cette lecture a besoin de faire l’objet d’ijtihad (effort de réflexion, ndlr) dans sa substance.
Sous réserve de cette lecture, le concept riba vise toute rémunération de l’argent en fonction du seul temps. Mais il faut distinguer les prêts, d’un côté, et les financements dits islamiques, de l’autre.
Un prêt doit faire l’objet d’un écrit entre les parties ou, à défaut, donner lieu à remise d’un gage, ou être reconnu par des témoins ; il doit être remboursé à l’échéance, sauf si le prêteur consent un délai additionnel et ce, par condescendance.
Un financement islamique doit exclure non seulement une rémunération préétablie mais également, et avant tout, la garantie de récupérer la mise engagée. Or, les opérations retenues dans la typologie de la banque dite islamique se fondent sur ces deux interdits. Pour ne pas encombrer le lecteur, il suffit de citer les cas de moudâraba et de mourâbaha.
La moudâraba consiste pour un entrepreneur qui n’a pas de ressources pour financer un projet qu’il veut réaliser à recourir à un bailleur de fonds (appelé Rab El-mal) : la banque islamique pratiquée a pour habitude de comporter une garantie que doit apporter l’entrepreneur au bailleur de fonds. Ce qui signifie que ce dernier ne prend aucun risque : cela est contraire à l’esprit des prescriptions du Coran. Le bailleur de fonds doit être prêt à assumer les pertes éventuelles, l’entrepreneur perdant, quant à lui, son énergie et son temps. La répartition des bénéfices fait l’objet d’un accord entre les parties, la pratique ancestrale en Algérie étant de 1/3 pour le capital et 2/3 pour l’entrepreneur.
La mourâbaha consiste pour la BID (Banque islamique de développement) à financer l’importation, par un opérateur économique d’un pays membre de l’OCI, d’équipements ou de consommables en la forme de matières premières ou semi-produits. Le montage et les conditions se fondent sur l’intérêt à des taux qui avoisinent ceux de la BIRD (Banque mondiale). La BID exige même des pénalités en cas de remboursements par anticipation à l’initiative de l’emprunteur. Il y a, pourtant, une alternative à cette approche : rémunérer ce financement, en cas de bénéfice, au prorata des passifs du bilan.
Force est, donc, de comprendre que pour ces deux types d’opérations, la pratique dite islamique est un simple maquillage de pratiques de la banque dite conventionnelle. La communauté musulmane a besoin de vérité dans ce seul domaine où elle ne subit aucune pression extérieure. La mystification dont elle est victime procède de l’hypocrisie qui s’ajoute à l’illicéité des produits : si les oulémas ne peuvent se déjuger, il appartient aux hommes de l’art de faire valoir le «contenu économique» des produits. Les acteurs économiques seraient mieux disposés à l’égard de spécificité, sachant que tout un chacun demeure libre et responsable de son choix.
M. B.-A.
Ndlr : Le titre est de a rédaction.
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