Une contribution d’Al-Hanif – Allo maman bobo ! Allo maman Oslo !
Par Al-Hanif – «Le drame, c’est que tout le monde nous regarde comme si de rien n’était en continuant de faire des discours.»
Ce constat désabusé du Palestinien Amjad Abou Yassine date de 2008, lors de l’opération «Plomb durci» et il reste plus que jamais d’actualité. Le mort palestinien intéresse peu et on ne pourra pas comprendre l’indifférence devant ces morts qui s’ajoutent à une comptabilité macabre, entamée en 1948, si l’on ne se référait à la notion de «mort kilomètre».
Le mort palestinien a moins d’importance pour l’opinion publique occidentale que l’évolution du postérieur de Kim Kardashian, le feuilleton sur l’héritage de Johnny Halliday ou le résultat du match Barça-Real. La distance culturelle, donc émotionnelle, viendra s’ajouter à la distance géographique, et la centralité de la Shoah dans l’histoire contemporaine occidentale constituera une arme de dissuasion massive qui tire objectivement profit du drame de millions de suppliciés de l’idéologie nazie. La culpabilité occidentale cherchera à se faire oublier, en organisant le premier rempart autour de l’Etat hébreu, celui de l’impunité. Le déni, construit par un récit à sens unique, refusera d’admettre que la victime pouvait se transformer, sous nos yeux, en bourreau.
Les accords d’Oslo de 1993 furent un vrai marché de dupes, et beaucoup de dirigeants palestiniens revenus de leur auto-intoxication font le constat que tout ne fut que leurre et illusion. La politique du fait accompli, de l’annexion des territoires et de l’impunité revient en boomerang discréditer les institutions internationales.
Dans la société civile israélienne, beaucoup de partisans de la paix et de la solution des deux Etats, acceptée par Arafat, se sont trouvés marginalisés et désignés comme ennemis au sein d’une société confortée par le poids et le soutien inconditionnel des Etats-Unis et de l’Europe. Au quotidien, les conditions pour organiser l’asphyxie économique et politique étaient méthodiquement employées. L’environnement destructeur mis en place dès 1947 ne laissait à la Palestine occupée que la réalité de territoires fragmentés, sans souveraineté politique et maintenus du collapsus par la respiration artificielle des aides humanitaires.
Le rigoureux travail d’Olivia Elias dans son ouvrage qui s’appuyait sur le travail des institutions internationales, Le Développement économique de la Palestine, démontrait que la paix par le développement économique prônée par les accords d’Oslo, et vendue comme argument par Bill Clinton et les autorités israéliennes aux Palestiniens, n’avait pas modifié fondamentalement le secteur économique, ni initié une dynamique de paix.
Oslo était mort-né car jamais l’Etat hébreu n’aura eu l’intention de souscrire à ses engagements.
Parallèlement, l’occupation continue des territoires palestiniens organisait une impasse aux conséquences désastreuses. Le quotidien était fait d’agressions constantes, de limitation aux déplacements, d’arrestations arbitraires, de destructions d’oliviers centenaires et d’annexions par les colonies des territoires en violation flagrante du droit international, singulièrement aux abonnés absents.
Le chômage structurel de la bande de Gaza, l’explosion démographique, l’incurie et la corruption des autorités proches de la représentation palestinienne, le népotisme de Hamas, la lecture sous l’angle religieux du projet colonial, la guerre des factions, alliés à l’absence d’instruments politiques étaient recette programmée du malheur.
Les bouleversements dans le camp arabe, le chaos des faux printemps et le changement d’alliances ont fait de la Palestine le parent pauvre de la mobilisation pour les causes justes. La cause palestinienne, longtemps activée comme cache-sexe idéologique, s’éloignait des radars des sociétés arabes engluées dans leurs propres problématiques.
L’alignement de Hamas sur les Frères musulmans égyptiens fut aussi une erreur stratégique qui les a désignés de facto à la double vindicte de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte de Sissi.
Gaza et les confettis de territoires ne disposaient d’aucune souveraineté, et l’Autorité palestinienne a perdu tout prestige en jouant les auxiliaires d’une politique de colonisation. Et sans souveraineté politique sur un territoire, il n’y point de développement, et le malheur et le désespoir peuvent s’inviter en hôtes incontournables.
De 1948 à 2018, la lamentation, plus qu’un mur, est devenue pays, pays perdu ! Et les institutions internationales y ont laissé toute crédibilité. En matière de distance émotionnelle, la victime arabe pourrait aussi bien se trouver sur Mars.
A. H.
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