Rencontres de Messahel en France : intérêts divergents et sujets qui fâchent
Par Karim B. – C’est à un rude exercice que doit se livrer le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messsahel lors de sa visite en France où l’attendent son homologue Jean-Yves Le Drian et la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay. Le déplacement du chef de la diplomatie à Paris a été «parasité» par la sortie de l’ambassadeur de France à Alger qui a provoqué la colère du ministère des Affaires étrangères suite à sa déclaration sur les visas accordés aux Algériens.
Mais les propos de Xavier Driencourt sont loin d’être la cause principale de la brouille discrète entre Alger et Paris. Les positions des deux capitales sont, en effet, diamétralement opposées sur toutes les questions géostratégiques. A commencer par la situation dans le Sahel où la France a engagé ses troupes dans la cadre de l’opération Barkhane pour, explique-t-on au Quai d’Orsay, affronter les groupes islamistes armés qui infestent le Nord-Mali. L’Algérie a, rappelons-le, rejeté la demande de Macron de faire participer l’armée algérienne au G5 Sahel, le président Bouteflika saisissant au vol les desseins réels cachés par Paris derrière cet engagement militaire dans une région dont le sous-sol regorge de ressources naturelles.
En Libye, l’Algérie s’était, dès le début de l’insurrection armée conduite par des miliciens surarmés manipulés par Bernard-Henri Lévy – mandaté officiellement par l’Elysée à l’époque –, opposée à toute ingérence dans les affaires internes de ce pays voisin. L’objectif de Sarkozy était clair et les autorités françaises, malgré la situation désastreuse qui règne en Libye en raison de la guerre civile qui y a été savamment planifiée, continuent pourtant de défendre l’approche interventionniste privilégiée par le prédécesseur de François Hollande. Preuve que la politique libyenne de la France est loin d’être une simple affaire de financement occulte de la campagne électorale de Sarkozy en 2007 ; c’est, bien plus, une véritable stratégie néocoloniale dictée par le besoin vital de ressources énergétiques pour les années à venir, dont la France manquera cruellement dans un double contexte d’inexorable dénucléarisation et d’augmentation incessante de la demande.
L’Algérie sait ce que la France cherche au Sahel. Elle sait aussi que des manœuvres sont conduites secrètement avec son allié de toujours, le Maroc, pour empêcher la tenue d’un référendum sur l’autodétermination au Sahara Occidental occupé. Et, s’agissant du Maroc, c’est un Abdelkader Messahel très bien informé sur les dessous de la désignation de la nouvelle directrice générale de l’Unesco, qui rencontrera la fille du très influent conseiller du roi du Maroc, Audrey Azoulay. La rencontre portera sur des questions d’ordre culturel en apparence, mais le spectre de la guerre du patrimoine que le Maroc livre à l’Algérie planera sur cette entrevue durant laquelle chaque mot courtois prononcé par l’une et l’autre partie devra être décrypté en lui substituant son antonyme.
K. B.
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