Syrie : la (vraie) communauté internationale exige des preuves
De Paris, Mrizek Sahraoui – On s’attendait à des révélations fracassantes et des preuves formelles sur l’implication de Bachar Al-Assad dans l’attaque chimique présumée de la Douma de la part d’Emmanuel Macron, du style en veux-tu en voilà, finalement, le président français s’est contenté de ressasser ce que tout le monde sait en reprenant uniquement la phrase : nous avons des preuves ! Un sujet, un verbe, un complément utilisés depuis l’agression de la Syrie par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et le ministre de la Défense, Florence Parly. De simples allégations alors, dont ne peut se satisfaire la (vraie) communauté internationale, car les enquêteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ne sont arrivés sur les lieux des présumées attaques chimiques que dimanche 16 avril.
On n’a pas les preuves fortement attendues de l’implication du régime syrien dans la prétendue attaque de Douma, Emmanuel Macron ne les ayant pas livrées lors de l’interview qu’il a accordée, dans la soirée de dimanche, aux journalistes Edwy Plenel (Médiapart) et Jean-Jacques Bourdin (BFM TV). Mais l’on a eu celles qui laissent supposer que les frappes sont destinées à la consommation interne pour masquer les difficultés auxquelles est confronté le président français, en bute à la grogne sociale qui s’amplifie et à la coagulation des mécontentements.
Au fil de l’interview, le lien entre le vrai mobile des frappes contre la Syrie et les questions de politique intérieure que les deux journalistes n’ont pas manqué de soulever devenait de plus en plus évident : Emmanuel Macron veut à tout prix se sortir de la spirale du désamour que lui témoignent les Français. Pour ce faire, il lui a fallu faire diversion pour redorer son blason, terni par tant de promesses non tenues, en allumant un contre-feu, à travers des frappes, explique-t-on, «ciblées, proportionnées et justes» contre la Syrie.
Après avoir bafoué le droit international et enfreint les règles de l’ONU dans le but de rassurer les près de 50% de Français insatisfaits de l’action du chef de l’Etat, après une année de pouvoir, voilà que la France entend prendre des initiatives diplomatiques, dès ce lundi 16, pour «retracer la feuille de route de la paix en Syrie».
Changement de paradigme. Sauf que la manipulation saute aux yeux et personne n’est dupe.
Ce redéploiement et ce supposé nouveau dynamisme diplomatiques, qui ne sauront être dans l’intérêt de la Syrie, cachent mal les nouvelles manœuvres visant à influer les opinions publiques nationales respectives, mais surtout à tenter de reprendre la main dans la crise syrienne avec la possibilité sous-jacente de décider du destin et de l’avenir du peuple syrien en lui choisissant ses futurs chefs, maintenant que Bachar Al-Assad est venu à bout de la rébellion. L’énième tromperie occidentale. Avec cette prétendue manifestation de bonnes intentions, le président français va recourir, en réalité, à la bonne vieille méthode de la grosse ficelle, pensant pouvoir infléchir le cours des choses dans le sens qui l’agrée, après un feu d’artifice ayant produit, peut-être, du son, de la lumière et de la fumée, mais sans réel impact sur le terrain.
Enfumage et flagrant délit de mensonge et de manipulation médiatique donc, sur fond d’agression d’un Etat souverain aux répercussions qui auraient pu être particulièrement imprévisibles.
M. S.
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