Emmanuel Todd : «Il ne s’est rien passé en Syrie, l’Occident est perdu»
Par R. Mahmoudi – Le sociologue et essayiste français Emmanuel Todd est revenu, lundi, dans une analyse sur les frappes occidentales sur la Syrie. Pour lui, la grande conclusion à en tirer est que les trois puissances que sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont «tiré des pétards» et «négocié avec les Russes».
«Il y avait une dynamique antirusse qui montait et puis, finalement, les Américains, les Britanniques et les Français ont tapé là où les Russes les autorisaient. Donc, on est revenu dans le rien. Au stade actuel de l’information, je suis plutôt rassuré», écrit l’auteur de Qui est Charlie ?
Il décrit cette opération comme «la révélation de la fin d’une partie de poker», puisqu’en fait les agresseurs ne sont pas partis tester ce dont les Russes sont capables. «Les S400 sont peut-être capables de détruire en l’air tout ce qui vole et ça aurait été en dix minutes la fin de l’imperium américain. Ou ça aurait été l’échec du S400, et c’était de nouveau les Etats-Unis déchaînés», résume-t-il.
Analysant le traitement qui été réservé à cet événement dans la presse occidentale, l’auteur se dit préoccupé par ce qui s’y écrit et juge que la vision du monde dans laquelle on entretient les citoyens du monde occidental, la vision d’une Russie hyper-puissante, menaçante, tentaculaire, totalitaire, etc. «est en fait une vision hallucinatoire».
Plus audacieux, Emmanuel Todd estime qu’en Russie, pays voué aux gémonies par ces médias et une partie de l’élite politique occidentale, et contrairement à ce qui se passe en Occident, les gens sont informés. Sans complexe, il recadre le débat passionné sur le Russe : «Tout le monde est d’accord sur le fait que les Russes sont favorables à la politique de Poutine. […] Et, ça c’est vrai, ce pays est revenu à parité sur le plan des technologies militaires. Il ne fait aucun doute qu’ils ont fait une remontée technologique. Et de fait, la Russie se trouve être la seule force au monde qui puisse faire face, être une puissance d’équilibre face aux Etats-Unis sur le plan militaire.»
Dans le même sillage d’idées, le sociologue français fait l’éloge de la diplomatie et des diplomates russes comme sans doute aucun Français n’a jamais osé le faire. «[…] Je lis les textes de Poutine ou de Lavrov, ou qu’il s’agisse des contacts que j’ai pu avoir encore récemment à l’ambassade de Russie, le niveau intellectuel des diplomates russes et des dirigeants russes est très supérieur à celui des Occidentaux.» Et d’enchaîner : «Vous ne pouvez pas comprendre la situation si vous ne voyez pas cette asymétrie. C’est-à-dire, une interview de Lavrov ou une discussion avec Orlov, ambassadeur russe à Paris, c’est des gens qui sont très supérieurs aux gens du Quai d’Orsay. Ils ont une vision de l’histoire, une vision du monde, une vision de la Russie, une vision de l’équilibre des puissances, une vision du contrôle de soi, ce qu’ils appellent professionnalisme.»
Et de conclure son analyse : «Si vous arrêtez de lire Le Monde et de croire ce qu’il y a dedans, vous vous dîtes : “Ben écoutez, où est la rationalité, où est l’intelligence, où est le contrôle de soi ?” C’est ça qui est important.»
R. M.
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