Sept choses qu’il faut savoir sur la dernière agression d’Israël contre Ghaza
Par Michael Lesher – La vidéo, diffusée depuis la frontière de Ghaza le 30 mars 2018, montre à gauche un homme, identifié comme étant Abdelfattah Abdennabi, 18 ans, qui reçoit une balle dans le dos alors qu’il est en train de courir. Il aurait été tué.
Etant de tempérament modéré, je ne suis guère fait pour décrire en détail la sauvagerie avec laquelle l’Etat juif a exécuté 17 de ses deux millions de prisonniers de Ghaza (et blessé quelque 1 400 autres) à l’occasion de la Fête juive de la libération vendredi dernier.
Heureusement, pourtant, il n’y a pas besoin d’un tel talent descriptif. Les choses que tout le monde doit savoir sur le dernier massacre de Ghaza – et sur son opération de camouflage qui a suivi rapidement – sont aussi simples et incontestables qu’elles sont odieuses.
Les meurtres israéliens étaient prémédités
Avant que les premiers manifestants ne posent le pied à un quelconque endroit près de la frontière de Ghaza avec Israël, l’«armée la plus morale du monde » avait ouvertement proclamé ses intentions violentes à l’égard de tout Palestinien qui serait assez téméraire pour remettre en cause le siège paralysant d’Israël. Nous avons appris qu’une centaine de tireurs d’élite avaient été déployés autour du mur de la prison de Ghaza et qu’ils étaient «prêts à utiliser des balles réelles», complétées par «du matériel lourd» et même, par une nouveauté, un «gaz lacrymogène déployé par drone». Le ministre de l’Education Naftali Bennet – qui aime se vanter du meurtre d’Arabes – a juré que les Ghazaouis seraient gardés à l’intérieur de leur cage (un endroit décrit dans une récente étude des Nations unies comme étant quasiment inhabitable) « à tout prix».
Juste au cas où le cliquetis des sabres ne serait pas assez audible, les Forces de défense d’Israël (FDI) ont souligné que si tant de forces meurtrières étaient amassées en un seul endroit, c’était pour «réduire le nombre des victimes palestiniennes». Réduire, notez-le bien, et non empêcher ni éviter. Si le sens de cette menace vous échappe, je vous suggère d’imaginer comment la presse mondiale aurait réagi si un contingent lourdement armé de combattants palestiniens avait été envoyé sur une ville israélienne densément peuplée, avec l’ordre public de «réduire» le nombre de meurtres de civils juifs – tout en veillant à ce que les coquins apprennent où est leur place.
La violence israélienne n’a rien à voir avec la «sécurité»
L’infatigable moulin israélien à propagande tourne de façon toujours aussi hystérique. Pourtant, les Israéliens n’ont même pas essayé de démontrer que pour la plupart, les manifestants avaient été tués alors qu’ils : utilisaient une arme, menaçaient un soldat ou tentaient de franchir la barrière de barbelés quand ils ont été abattus à coups de fusil, alors qu’une preuve réelle montre précisément le contraire. En fait, il est loin d’être clair que l’un des 758 adultes et enfants blessés par les tirs à balles réelles israéliens aurait pu constituer – même selon les Israéliens – une menace physique pour qui que ce soit.
Cet aveu flagrant si indirect prouve que sur les 17 homicides qu’Israël a commis vendredi, au moins une douzaine voire plus sont des meurtres – des meurtres purs et simples – et qu’ils sont inexcusables même selon la définition tirée par les cheveux d’Israël de la «sécurité». C’est sans doute pourquoi les propagandistes ont essayé si fébrilement de changer de sujet depuis. Oh, comme il doit être terrifié ce tireur d’élite israélien armé jusqu’aux dents en apercevant, de l’autre côté du mur de la prison, un adolescent palestinien en train de porter un pneu !
Il n’y a eu aucun «affrontement»
Encore une fois, je me reporte à la propagande israélienne. Combien de soldats israéliens a-t-on prétendu blessés dans le tsunami d’excuses déversées par Tel Aviv cette semaine ? Zéro. Combien de dégâts causés à des biens israéliens ? Zéro. Combien de civils israéliens menacés ? Zéro. Combien de brèches dans cette précieuse «enceinte de sécurité» ? Zéro. Donc cette sanglante escapade n’était pas «un affrontement». Même les Israéliens le reconnaissent implicitement.
Comment deux camps peuvent-ils «s’affronter» quand l’un subit 1 400 victimes dans une avalanche de balles, tandis que l’autre – celui qui brandit des fusils automatiques et qui disperse des gaz lacrymogènes par télécommande – s’en tire sans aucune égratignure ?
Israël a ciblé ses victimes pour des raisons politiques
Peut-être en raison de sa brutalité si flagrante, Israël n’a même pas tenté de s’abriter derrière le prétexte habituel des «dommages collatéraux». Au contraire, son armée s’attribue platement le mérite des meurtres, annonçant (via Twitter) que «rien ne s’est accompli sans être maîtrisé ; tout a été correct et mesuré et nous savions où chaque balle allait atterrir».
Il s’ensuit qu’Israël et ses apologistes ne peuvent pas prétendre que ces homicides sont des accidents, ou même des «réactions excessives» – pour reprendre les termes tièdes de Bernie Sanders (que l’on doit néanmoins félicité d’avoir été le seul sénateur des Etats-Unis à remarquer le massacre en premier lieu).
En fait, non seulement nous savons que les Israéliens ont pris pour cible des victimes non armées – mais nous savons même pourquoi. Les porte-parole de l’armée ont spécifiquement reconnu les «tirs sur les principaux instigateurs» de la manifestation – montrant par-là que les forces israéliennes ont délibérément tué les Palestiniens qu’elles soupçonnaient d’être des organisateurs qualifiés. Comprenez-vous pourquoi ? Sous le régime israélien, une manifestation palestinienne est un crime ; diriger une manifestation palestinienne est un crime passible de la peine capitale. Et dans ce cadre pénal kafkaïen, les FDI jouent volontiers le triple rôle de juge, de jury et d’exécuteur des hautes œuvres.
Le général de division israélien Yoav Mordechai a même avoué que ses troupes ont essayé d’intimider les sociétés d’autobus de Ghaza afin qu’elles refusent de transporter les gens vers les lieux des manifestations. «Nous avons prévenu que des mesures seraient prises contre les propriétaires et leurs entreprises» pour «avoir transféré» des Palestiniens vers les manifestations, a déclaré ce général, ajoutant que «les manifestations d’anarchie» appellent des «mesures sévères et dures».
Vous pourriez vouloir garder ce détail prêt pour le prochain propagandiste (il est certain que vous en rencontrerez au moins un) qui insinuera que les tireurs d’élite qui ont abattu ces civils sans arme ont agi par peur de quelques pierres – je veux dire celles qui ont été lancées dans un symbolisme provoquant par une petite fraction de manifestants, en direction de cette immense butte de terre du haut de laquelle les tireurs israéliens braquaient leurs fusils à grande portée sur les corps en dessous d’eux. Comme je l’ai noté déjà, aucun soldat n’a souffert ne serait-ce que d’une égratignure durant les manifestations. Non, l’objectif d’Israël, c’était d’écraser la manifestation dans sa totalité – une décision qui avait été prise bien avant qu’un seul manifestant ne se présente près de la frontière. Pierres ou pas pierres.
Eh oui, il y a un nom pour cette sorte de comportement meurtrier : ce nom, c’est terrorisme. Israël a imposé une violence délibérée, meurtrière aux civils de Ghaza avec l’objectif express d’intimider les contestataires potentiels. Il faut un culot étonnant pour des orchestrateurs de terrorisme à une telle échelle pour accuser leurs victimes d’être des terroristes. Mais le culot est une chose dont Israël manque rarement.
Israël commet ses crimes parce que les Etats-Unis le permettent
Comme les autres tyrans, Israël se bat seulement quand il ne peut pas perdre. Aux Nations unies, il reprend son rôle de flagorneur et laisse l’Oncle Sam faire le coup de poing. L’ambassadrice américaine (et ancienne défenseure du drapeau confédéré) Nikki Haley, qui dit ne pas aimer les tyrans, a affiché ses véritables passions au Conseil de sécurité au cours du week-end alors qu’elle se pâmait devant cette nouvelle preuve de la virilité israélienne. Jusqu’à présent, Mme Haley habituellement volubile n’a pas été capable de reprendre suffisamment son souffle pour publier une déclaration, mais sur ordre de Washington, elle a réussi à étouffer un projet de résolution qui aurait poussé à la «retenue» et à une «enquête» sur les circonstances de la mort des civils. Comme Karl Rove l’a rappelé un jour à un journaliste, ni les faits, ni la loi, ne pèsent sur ceux que privilégie le titan américain : «Quand nous agissons, nous créons notre propre réalité.»
Je dois mentionner, en toute justice, que même des politiciens US moins révoltants que Haley ont permis les crimes israéliens avec un égal aplomb.
Barack Obama s’est poliment incliné devant les FDI alors qu’elles massacraient plus de 1 400 civils ghazaouis (dont quelque 500 enfants) en 2014, ne se faisant un peu menaçant qu’à la septième agression meurtrière d’Israël contre les femmes et les enfants qui étaient recroquevillés de peur dans les «abris» des Nations unies. Le résultat a été instructif. La veille du jour où Obama a mis le holà, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, insistait publiquement que ses troupes resteraient à Ghaza ; devant les grognements d’avertissement du Président, Netanyahu a immédiatement annoncé leur retrait. Comme Norman Finkelstein l’a souligné, cet exemple démontre à lui seul l’étendue de la complicité des États-Unis dans les crimes d’Israël. Les meurtres ne durent que tant que la Maison-Blanche les approuve. Et la Maison-Blanche peut être ébranlée par une manifestation politique.
Les médias grand public et les organisations juives facilitent l’opération de camouflage
La prolifération d’excuses dans les médias grand public pour la violence meurtrière d’Israël a été si instantanée, et si nauséabonde, que je ne vais aborder que brièvement la question. En s’en tenant à l’extrémité libérale du spectre, on trouve Amos Harel de Ha’aretz qui déplore que «le Hamas… a trouvé là un moyen plus efficace de créer des frictions avec les Forces de défense d’Israël que les tirs de roquettes et les attaques menées par ses tunnels». Comme c’est méchant de la part de ces Palestiniens de se faire tuer juste pour gâcher les matins de quelques galonnés des FDI ! En fait, note Harel, les Ghazaouis se sont montrés si traîtres que «malgré le grand nombre de victimes palestiniennes, pas une seule roquette n’a été tirée sur Israël depuis la bande de Ghaza». Que doit faire un assiégeant ? Plus sa violence est déséquilibrée, plus il est facile de nuire aux sentiments d’Israël.
Les principales organisations juives n’ont été juste que des flagorneuses, la plupart regardant ailleurs, tandis que l’Union orthodoxe influente a eu le mauvais goût de continuer sa faire de la publicité pour une « visite pour des personnalités de l’enceinte de sécurité (en Cisjordanie) » parmi les voyages qu’elle parraine pour les juifs religieux durant la fête de la Pâque. L’animateur de cette excursion particulière – le colonel Dani Tirza – est lui-même un propagandiste éhonté qui a perdu son emploi d’urbaniste principal de la barrière après avoir été pris en train de mentir devant la Cour suprême d’Israël. Mais cela ne dérange évidemment pas l’Union orthodoxe, pas plus que ne la dérange l’arrêt de 2004 de la Cour de justice internationale selon lequel la «barrière de sécurité» viole les normes fondamentales du droit international. Comme Golda Meir l’aurait déclaré à un autre politicien israélien, «après l’Holocauste, les juifs sont autorisés à tout faire».
Les crimes d’Israël se poursuivront tant que nous n’y mettrons pas un coup d’arrêt
Loin de ressentir des remords à propos du grabuge de vendredi, le porte-parole en chef de l’armée d’Israël, Ronen Manelis, a récemment proclamé que les troupes israéliennes «ne pourront pas continuer de limiter (leur) activité au secteur de la clôture (barrière de séparation), et elles devront agir contre ces organisations terroristes en d’autres endroits aussi».
Vous avez bien entendu. Si Israël parvient à ses fins, les choses vont devenir encore plus sanglantes. Et cela veut dire que c’est à nous d’agir.
Israël n’arrêtera pas de tuer et de mutiler les Palestiniens tant qu’il n’aura pas d’autre choix en la matière. Et il n’aura d’autre choix qu’une fois que les Etats-Unis auront rejoint pratiquement le reste du monde pour demander l’arrêt des atrocités qui – si elles étaient perpétrées contre les Israéliens – auraient depuis longtemps provoqué la fureur horrifiée du monde occidental.
Parmi mes lecteurs, il y en a beaucoup forcément qui, en raison de leur citoyenneté ou de leur appartenance politique, peuvent avoir un impact sur la politique des Etats-Unis à l’égard d’Israël. C’est le moment de peser de tout notre poids contre une alliance contre nature qui a rendu possible des décennies d’apartheid, de nettoyage ethnique et – comme la violence de vendredi nous le rappelle – de massacres périodiques. Nous pouvons résister ; nous pouvons protester ; nous pouvons nous rendre complices. Il n’y a pas d’autre option. Pour les Israéliens, pour les juifs, pour les Américains – pour tous les êtres humains soucieux de justice en Palestine – il n’est pas possible qu’il y ait quelque chose comme de la neutralité.
M. L.
Source : Mondoweiss
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
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