Contribution – Idir : un séparatiste non avoué et un politique qui se renie
Par Youcef Benzatat – Ce 20 avril aura lieu la commémoration du 38e anniversaire du Printemps berbère. Le peuple algérien dans sa majorité ne se reconnaît toujours pas dans les revendications exprimées par la plateforme de ses initiateurs et le pouvoir tente, de son côté, de les instrumentaliser, comme il l’a fait pour celles des islamistes après la décennie noire, pour maintenir l’équilibre du statu quo. En distribuant des concessions aux uns et aux autres sur la base de revendications opposées et contradictoires, pour empêcher toute potentialité d’unification des revendications politiques pouvant déboucher sur l’émergence d’un consensus national et d’une citoyenneté capable de promouvoir les assises d’un contre-pouvoir. En conséquence, le processus de démocratisation politique et l’avènement d’un Etat de droit à caractère civil demeureront pris en otage par cette atomisation de la citoyenneté, aussi longtemps qu’une conscience nationale, transcendant ces deux clivages, n’émergera pas des décombres des errements des militants politiques.
La part de responsabilité des berbéristes dans cette prise d’otage de la citoyenneté est le fait de considérer une revendication nationale, à savoir la dimension amazighe de l’identité nationale, comme une revendication propre à leur mouvance et d’en faire une revendication totalitaire et exclusive. Alors que la revendication de la dimension amazighe de l’identité nationale par la société algérienne est étroitement liée aux différentes autres dimensions de cette même identité nationale, tels que le processus d’acculturation indéfini de la culture et les métissages du peuplement de l’Algérie depuis des millénaires. Le danger vers lequel tendrait en toute logique une telle posture des berbéristes est la revendication d’un nationalisme ethnique dont la conséquence immédiate serait le séparatisme. Comme l’a été l’islamisme durant les années ayant précédé la décennie noire, qui a fini par revendiquer un Etat théocratique, en négation de toute autre possibilité de croyance ou de non croyance religieuse.
Ces deux idéologies – berbériste et islamiste – ont ceci de commun : elles se revendiquent réciproquement de la pureté identitaire et religieuse. Tout ce qui leur est étranger est considéré comme impur. L’impur est exogène et doit être exclu, c’est le propre de toute idéologie totalitaire.
Idir ne dit pas autre chose, lorsqu’il déclare dans sa dernière sortie médiatique à Algeriepatriotique que «tamazight, pour moi, est quelque chose d’inaliénable et je continuerai toujours de la défendre envers et contre tous». L’inaliénabilité d’une langue, dans ce cas, ne signifie pas autre chose que de la figer pour l’éternité et de la préserver de toute impureté exogène. C’est renier des milliers d’années d’acculturation par conservatisme et dénier à la langue tamazight son enrichissement indéfini par contact avec les autres langues qu’elle a pu croiser au cours de l’histoire, pour déboucher sur la formation de la langue populaire nationale qu’est la derja (arabe dialectal). C’est dénier aussi aux autres le génie d’avoir su apprivoiser avec enthousiasme cette langue à partir de leur propre langue maternelle, l’arabe, le turc, l’hébreux, le maltais, l’espagnol, les langues subsahariennes et autres langues méditerranéennes ayant enrichi avec bonheur tamazight depuis des millénaires. A savoir que dans Cirta, capitale de la Numidie de Massinissa, on parlait déjà toutes les langues méditerranéennes.
On ne voit pas comment Idir pourrait «continuer toujours à défendre tamazight envers et contre tous» et l’imposer, épurée de toute influence extérieure, à la population algérienne qui est fortement métissée et s’exprimant avec la langue syncrétique qu’est la derja, d’Est en Ouest et du Nord au Sud. Consciemment ou non, Idir commet un discours séparatiste sans l’avouer.
Par ailleurs, il se positionne comme apolitique – «je ne fais pas de politique, c’est moi que ça concerne» –, mais il n’hésite pas à conditionner son retour d’exil volontaire à une revendication politique commune, celle de l’identité citoyenne amazighe, à ses propres revendications. De plus, il n’hésite pas à s’afficher aux côtés des séparatistes avec leur drapeau sur les épaules et brandi par ses bras, publiquement.
Idir aura du mal à convaincre de son positionnement apolitique, entre son discours et ses actes, comme il ne pourra pas se défendre de son séparatisme entre sa conception de l’algérianité et les thèses séparatistes qu’il défend. Il est tout simplement un séparatiste non avoué et un politique qui se renie.
Y. B.
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