Nouveau béni-oui-oui
Par Mrizek Sahraoui – Passons sur l’aspect protocolaire de la visite d’Etat de trois jours, à compter de ce lundi, que réserve le président américain à son homologue français. Un niveau maximum sur lequel ont longuement disserté les médias français tout au long du week-end. La question est de savoir quels sont les dossiers qui seront à l’ordre du jour de cette visite, après une séquence qui a failli précipiter le monde dans l’inconnu, avec la bénédiction – belliciste – de Trump et Macron.
Devraient notamment être évoqués l’épineuse question syrienne, le brûlant dossier du nucléaire iranien, les relations compliquées avec la Russie, l’hypothétique accord de Paris sur le climat, l’interminable intervention française au Sahel et la bonne nouvelle de l’annonce du leader nord-coréen de renoncer à l’armement nucléaire.
Pour l’heure, Macron jubile, les médias français exultent, voyant en Emmanuel Macron le partenaire privilégié des Américains, à la veille de cette rencontre au sommet, la première de ce niveau accordée à un chef d’Etat européen depuis l’élection de Donald Trump, une excellente occasion pour le président français de déployer ses talents de communicant. Cependant, la vision revisitée America first (l’Amérique d’abord) de Trump et le néo-slogan patriotique d’Emmanuel Macron France is back (la France est de retour) laissent peu de place au doute sur les dividendes sous-jacents que l’un et l’autre espèrent tirer de cette rencontre.
Dans le même temps, cela cache mal le rapport dominant-dominé entre des Etats-Unis toujours en quête de suprématie et une France redevable par son histoire, de nouveau béni-oui-oui après l’épisode glorieux du couple Chirac-De Villepin où la France avait renoué avec les valeurs et l’intransigeance gaullistes.
Si les discours tendent, d’un côté comme de l’autre, à exprimer la bonne entente cordiale et à louer les liens indéfectibles entre les deux pays alliés, les deux slogans à eux seuls mettent à nu une hypocrisie sans borne, mais surtout témoignent d’une lutte à armes inégales sur le plan des échanges commerciaux d’où la France sort, à chaque fois, perdante puisqu’incapable de rivaliser avec la première économie mondiale.
America First, et pas seulement, qui a permis l’élection de Donald Trump, se vérifie à chaque intervention du président américain, lorsque la France revient pour mieux s’éclipser, jouant les seconds rôles ou faisant office d’alibi aux humeurs d’un président versatile : adversaire le matin, ami le soir.
Dans une interview accordée au lendemain de son investiture aux journaux conservateurs, le britannique The Times et l’allemand Bilt, Donald Trump avait considéré que l’Otan «est obsolète», la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel «une erreur catastrophique» et voyait dans le Brexit «un succès», un exemple que d’autres pays allaient suivre. Le président élu avait même prédit alors la sortie de plusieurs pays de l’Union européenne, au premier rang desquels il avait placé la France et, d’après lui, le processus de déconstruction européenne était «en marche». Il en voulait pour preuve «l’échec et l’incapacité patente des vingt-sept à endiguer les flux migratoires incessants aux frontières». En France, on parlait alors de «déclaration de guerre à l’Europe».
A-t-il encore changé d’avis depuis, lui, le partisan de la fameuse déclaration du 33e président des Etats-Unis, Harry Truman, qui affirma un jour : «Les affaires d’abord comme idéal» ?
Donald Trump voit dans l’Europe et la France de simples clients. Macron le sait, mais ses motivations et ses préoccupations sont ailleurs.
M. S.
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