Une contribution de Mustapha Baba Ahmed – Un Talmud pour le Coran ?
Par Mustapha Baba Ahmed – Des centaines de personnalités françaises ont signé un «manifeste contre le nouvel antisémitisme» en France, pour dénoncer un «silence médiatique» et une «épuration ethnique à bas bruit au pays d’Emile Zola et de Georges Clemenceau» dans certains quartiers. Le manifeste demande que «les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime». «Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie». C’est ainsi que le journal Le Monde rapporte l’initiative de ces signataires. Ces derniers qualifient de «faillite démocratique» cette «dérive antisémitique» et interpellent «leur» France «avant qu’il ne soit trop tard».
La présentation des faits est trompeuse dans sa formulation : l’histoire citée s’étale sur douze années mais il est dit que «onze juifs viennent d’être assassinés». Il ne s’agit pas de faire un décompte macabre parce qu’un mort est un mort. Mais le rythme correspond à un assassinat par an. Or, combien de Palestiniens ont été fauchés par des balles de Tsahal sur la période sans justification ? Un petit regret à ce sujet aurait grandi les signataires du manifeste. Mais Sarkozy aurait contrevenu à son code d’honneur et froissé Israël, «combat de sa vie».
Les statistiques avancées pour mettre en exergue la vague d’attentats contre les juifs sont remises en cause par les enquêtes, tel qu’indiqué dans un article du même journal, «L’antisémitisme, une réalité difficile à mesurer précisément». Des personnalités utilisent, donc, à dessein des chiffres dont elles savent qu’ils ne sont pas vérifiés afin de frapper l’opinion publique et de culpabiliser les autorités. Elles auraient été mieux avisées de ne pas intégrer dans leur signature celle du personnage de triste mémoire assoiffé du sang de musulmans et qui milite pour des actions visant à les assassiner par milliers : il s’agit de Bernard-Henri Lévy.
Sa présence décrédibilise la démarche plus encore que celle de Manuel Valls, qui a perdu la face dans la joute épistolaire qui l’a opposé à Jean-Louis Bianco à propos de la laïcité. Valls, alors Premier ministre, a refusé de signer un appel pour condamner le terrorisme parce que des représentants du culte musulman français participaient à l’appel à côté du grand rabbin de France. Valls se déjuge, donc, aujourd’hui en acceptant que le manifeste soit cosigné par des musulmans.
Les signataires du manifeste font fausse route ; ils accablent à tort le texte sacré de l’islam quand ils l’accusent de prôner la violence. Le Coran n’incite à la violence que dans les situations de légitime défense. Mais les signataires du manifeste n’accordent même pas le bénéfice du doute au Coran. La communauté juive en France capitalise sur sa victimisation historique ; cela lui permet, du coup, de faire oublier la puissance du lobby qu’elle représente et qui a été évoquée par François Mitterrand avec le président Bush père, tel que rapporté par Roland Dumas qui était alors ministre des Affaires étrangères.
Mais à quelles autorités théologiques le groupe de signataires s’adresse-t-il pour obtenir la caducité de versets du Coran ? Va-t-il mandater un groupe de 72 rabbins pour préparer une Mishna adaptée au Coran ? Ou le monde musulman devra-t-il se contenter d’une nouvelle Guemara condensée ? Il aura, dès lors, un nouveau Coran et une nouvelle tradition avec l’Académie du Hadith promise par Mohamed Ben Salmane.
La démarche dépasse la violence colonialiste utilisée par la France durant l’occupation de l’Algérie. Les autorités françaises respectaient alors la pratique de leur religion par les indigènes. La France du XXIe siècle se découvre des penchants impérialistes encore plus déshumanisants que celle de Bonaparte.
M. B.-A.
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