L’épouse du prisonnier sahraoui Naâma Asfari se confie à Algeriepatriotique
Claude Mangin-Asfari observe une grève de la faim depuis deux semaines. Elle demande qu’il lui soit permis de rendre visite à son mari emprisonné pour ses idées politiques par le régime despotique de Rabat. Bien que citoyenne française et malgré de nombreux courriers adressés au président Macron et à son ministre des Affaires étrangères, les dirigeants français font le mort, de peur de fâcher «sa majesté» Mohammed VI. Interview.
Algeriepatriotique : Comment vous sentez-vous après deux semaines de grève de la faim ?
Claude Mangin : Je commence à m’affaiblir. Tous les indicateurs de santé sont en baisse. C’est-à-dire le poids, le rythme cardiaque, la température et la tension artérielle. J’ai beaucoup moins d’énergie. Je suis fatiguée mais je tiens le coup et ma détermination est sans faille.
Vous êtes suivie par des médecins ?
Oui, tous les jours, j’ai une visite d’un médecin qui vérifie ma tension, ma température et mon rythme cardiaque. J’ai déjà eu deux prises de sang et je continue de boire beaucoup d’eau.
Les autorités françaises ont-elles réagi ?
Non. Aucune réaction jusqu’à aujourd’hui. Ni au courrier du maire signé avec l’évêque ni, évidemment, aux autres courriers ni aux miens, parce que j’en ai écrit deux, un au ministre des Affaires étrangères et un autre au président de la République, Macron. Il n’y a pas eu de retour du tout.
Comment expliquez-vous ce silence des autorités françaises ?
Je pense qu’elles sont très ennuyées et que cela prend du temps pour faire bouger les choses diplomatiquement. Et puis je me suis attaquée à un gros morceau, c’est-à-dire que j’ai commis un crime de lèse-majesté puisque c’est une décision du roi de m’empêcher d’entrer dans le territoire marocain, donc je défie le roi, ce qu’elles (les autorités françaises, ndlr) n’aiment pas. Déjà que les Sahraouis ont défié le Makhzen avec leur rassemblement à Gdeim Izik et moi je défie le Makhzen en voulant voir mon mari absolument. Elles veulent casser mon mari à travers moi en m’empêchant de le voir.
Qu’est-ce que vous voulez dire par «elles sont ennuyées» ?
Que ce n’est pas facile de demander une chose à «sa majesté».
Depuis quand n’avez-vous pas vu votre mari ?
Depuis juillet 2016. Bientôt deux ans.
Quel motif les autorités marocaines avancent-elles pour justifier leur refus ?
Aucun.
N’y a-t-il pas un autre moyen de pression que la grève de la faim ?
Je n’en ai pas trouvé d’autres face à cette situation qui m’est imposée de m’interdire trois fois le territoire. J’ai beaucoup réfléchi. J’ai attendu un an avant de repartir en me disant que la prochaine fois je ne repartirai pas comme les fois précédentes, c’est-à-dire rentrer chez moi en silence. Cette fois, je prépare mon retour. Et préparer mon retour, c’était de prendre cette arme non violente qui est la grève de la faim qui obligerait les autorités à réfléchir sur ce qui est plus important et plus grave, c’est-à-dire le fait qu’elles s’entêtent dans cette décision ou bien qu’on laisse une femme rejoindre son mari pour une visite en prison.
Vous pensez que cela donnera un résultat ?
J’en suis persuadée, bien sûr. Sinon, je n’aurais pas commencé. En tout cas, je n’avais pas d’autres moyens.
Expulsée quatre fois, comptez-vous vous rendre au Maroc malgré cela ?
J’espère qu’on va me donner quelques garanties et que je n’aurais pas fait cette grève de la faim pour rien, oui.
Est-ce que vous communiquez avec votre mari ?
Il y a le téléphone officiel de prison. Effectivement, on est en lien.
Comment va-t-il ?
Il va bien. Il s’inquiète pour moi.
Il ne vous demande pas d’arrêter votre grève ?
Non, pas encore. Peut-être que cela viendra.
Vous encourage-t-il ?
Oui. Il m’encourage. Et c’est vrai que pour moi c’est une manière de partager sa condition puisque lui a fait la grève de la faim plusieurs fois. Je vis la même expérience de vie que lui. C’est un peu curieux et rare qu’une vie amoureuse passe par une grève de la faim mais, enfin, c’est notre destin.
Propos recueillis par Houneïda Acil
Comment (6)