Où est l’Europe ?
Par Mrizek Sahraoui – Pour l’heure, elle se cherche. Elle est partout et forte quand elle donne des leçons au plus faible ou s’immisce ; nulle part et fébrile lorsque sa voix est inaudible, son action inefficace. Par rapport au nouveau défi, lancé de façon unilatérale par Donald Trump au mépris du droit international – l’Iran remplit amplement «ses engagements conformément à l’accord nucléaire», selon l’AIEA –, l’Europe s’est réduite à faire le constat, compter les dommages collatéraux et à croiser les doigts pour que ses intérêts soient préservés.
Il y aura un avant et un après retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien pourtant signé par l’UE – et les cinq membres du Conseil de sécurité. La France, économiquement le principal perdant dans cette affaire – un milliard d’euros investi par Total ; Peugeot et Renault détiennent 40% du secteur automobile iranien, et la commande iranienne de 100 Airbus risque de tomber à l’eau –, le Royaume-Uni, en posture wait and see mais tout aussi concerné côté business avec l’Iran, et l’Allemagne qui n’a pas, tout comme la France, su et pu convaincre Donald Trump de renoncer à sa décision dictée, d’évidence, par Israël, désormais à la barre du bateau monde, tous, ont réaffirmé leur volonté de rester dans l’accord initial. Ultime tentative de l’UE, non pas d’imposer quoi que se soit, mais de tenter de sauver ce qui peut l’être.
Outre l’honneur bafoué, l’UE s’efforce d’atténuer les conséquences désastreuses du retrait américain, notamment sur le volet économique. Les préoccupations économiques – les entreprises européennes seront directement impactées – plaident, s’accordent à le souligner nombre d’observateurs, en faveur du maintien de l’accord «n’est pas caduque», selon le porte-parole du gouvernement français.
L’Europe atone, aphone, singulièrement laxiste à l’égard de l’Etat hébreu, a laissé libre le champ et la liberté de manœuvre au Premier ministre israélien. Benyamin Netanyahou, qui, dès la signature en juillet 2105 du compromis, fruit d’un marathon diplomatique exténuant, a œuvré à saborder le contrat qui avait alors suscité de vives tensions entre les Etats-Unis sous l’administration Obama et Israël, s’en est félicité, voyant dans la position de Donald Trump une décision «courageuse». Peut-il en être autrement dès lors que, à la faveur de ce retrait, Israël a les coudées franches pour déclencher la guerre à tout moment ? La Knesset a, pour la circonstance, modifié la loi permettant au Premier ministre israélien et à son ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, de déclarer la guerre dans des «situations extrêmes» sans consultation (ou vote) préalable, «leur» communauté internationale leur servant de parapluie.
La Russie s’est dit déçue mais suit de très près l’évolution de la situation car pouvant, éventuellement, être acteur d’un probable conflit israélo-iranien, la Chine, pour l’heure dans l’expectative non moins indifférente sur le futur de ses relations bilatérales avec la République islamique.
Tout compte fait, ce scénario catastrophe s’explique et tient par un triple objectif. En renouvelant la panoplie des menaces économiques, Donald Trump récupère, au nez et à la barbe de l’UE, la redoutable arme économique. Dans la foulée, il réitère, à la veille du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, le soutien indéfectible des Etats-Unis à Israël qui y voit, lui, l’occasion en or de démanteler l’Iran, le dernier rival sérieux dans la région, ce qui permet, par conséquent, à l’Arabie Saoudite – ses intérêts étant imbriqués et convergents avec ceux de l’Etat hébreu – de tirer les marrons du feu, sur tous les plans. Le pétrole dont les prix devraient se raffermir à l’avenir et la rivalité sur fond religieux étant le nœud des affrontements. La boucle est bouclée.
M. S.
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