Contribution d’Al-Hanif – Uti possidetis juris ou l’intangibilité des frontières
Par Al-Hanif – Cette locution latine, signifiant «vous possédez ce que vous possédez», incarne, à elle seule, la position algérienne dans la question du Sahara Occidental.
Notre pays n’est pas partie prenante du conflit et ne fait que rappeler la légitimité du droit international. Toute tentative de l’impliquer directement n’est que manœuvre dilatoire et tentative désespérée. L’application de ce principe est traduite en droit international comme celui de l’intangibilité des frontières, y compris celles héritées de la décolonisation. Il aurait pu, de par une application systématique, épargner à la région l’épreuve d’une crise majeure.
La décolonisation du Sahara Occidental et la rétrocession des terres au profit des ayants droit légitimes devaient être organisées administrativement par voie référendaire par l’Espagne, ancienne puissance occupante. Ce référendum était, d’ailleurs, prévu courant 1973 avant que l’agonie du Caudillo et sa mort en 1975 après un long coma ne viennent troubler les cartes.
La majorité des Algériens n’était pas née à l’heure où le dictateur franquiste agonisait et beaucoup ignorent tout du contexte historique. Celui qui s’était proclamé «Caudillo d’Espagne par la Grâce de Dieu» s’était engagé à apurer le dernier dossier colonial espagnol par un transfert d’autorité organisé sous l’égide des instances internationales. Puissance occupante, l’Espagne devait acter le retour d’une terre à son peuple, le peuple sahraoui. Toute contestation pouvant naturellement être tranchée par un arbitrage international.
Pendant la longue agonie du général Franco, maître incontesté de l’Espagne pendant trente-neuf ans, le défunt roi Hassan II exploita la vacance du pouvoir et tira profit de ses liens avec les milieux monarchistes et la haute hiérarchie militaire espagnole pour mener des tractations secrètes. Ces tractations se matérialiseront sous la forme d’accords formels entre Rabat, Madrid et Nouakchott en date du 14 novembre 1976 pour placer l’opinion internationale devant le fait accompli.
Malgré l’opposition timide des Etats-Unis à l’annexion du Sahara Occidental, Hassan II planifia une partition du pays à son profit et à celui de la Mauritanie, à qui il sera promis la partie sud du pays, tandis que le nord, riche en phosphates, tomberait dans la cassette du Makhzen. Les richesses minières et halieutiques du Sahara Occidental seront, par la suite, pillées sans considération pour le droit international et intégrées au PIB marocain.
La ruse politique de la «Marche verte», organisée le 3 octobre 1975 et lançant trois cent cinquante mille citoyens marocains vers Laâyoune, visait à ranimer une ferveur nationaliste défaillante, à détourner de la crise politique et économique intérieure et, dans le même temps, à assurer la survie d’un régime menacé par trois tentatives d’assassinat sur la personne du roi. La plus notable étant celle de 1971, le jour anniversaire de ses quarante-deux ans. Ces motivations ont rarement été reprises dans toutes les analyses se rapportant à la question.
Du point de vue marocain, il faut le reconnaître, ce fut un coup de maître sur la scène intérieure qui lui permettait de faire coup double : neutraliser toutes les oppositions, orienter les préoccupations vers le rêve de grandeur du Grand Maroc historique et, surtout, éloigner une armée dont il se défiait à juste titre.
A ses alliés, il tentera de rationaliser l’aventurisme militaire, en promettant d’aguerrir son armée aux conditions du désert et de la mettre à la disposition de ses alliés du Golfe et américain. Hassan II se vantera auprès d’influents organes de presse américains de disposer de l’armée la plus expérimentée et la plus opérationnelle, supérieure même à celle d’Israël, dans les conditions du désert, car capable d’occuper de manière permanente un terrain particulièrement hostile dans ce qui s’apparentait à une offre de service. Il existe des images d’archives montrant les «marcheurs» brandissant des drapeaux marocains et américains comme un totem d’immunité.
Le coup d’Etat du 1er juillet 1979 contre Moktar Ould Daddah, l’ancien protégé de l’Algérie qu’il trahira avec zèle, fera caboter l’illusion des droits historiques de la Mauritanie sur le territoire sahraoui, en rendant caduc l’accord tripartite en partie secret de Rabat-Madrid-Nouakchott.
Pour Hassan II, la contrepartie de ces accords, ce qui sera tue aux Marocains, était, bien entendu, d’accepter le statu quo sur les enclaves de Ceuta et Melilla qui, elles, appartiennent sans contestation au royaume marocain. Pris en défaut, un ancien opposant, écrivain marocain connu, devenu laudateur du Makhzen, a cru bon de se justifier en invoquant Gibraltar sous souveraineté britannique et que l’Espagne n’arrive pas à récupérer !
Je crois à l’intelligence collective de tous les peuples de la région pour résoudre pacifiquement tous les différends pour s’atteler au chantier du décollage économique et ne plus vivre la construction du Maghreb comme une utopie. A l’heure où l’on parle de l’élargissement de l’Union européenne par l’Albanie, tous les possibles sont ouverts, non ? Hassan II professait dans le même temps un grand respect pour le président algérien Chadli Bendjedid et ne désespérait pas d’une sortie de crise.
Au droit de prévaloir !
A.-H.
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