Quand l’économie algérienne dérange les bailleurs de Jeune Afrique
Par Sadek Sahraoui – Dans une tribune publiée hier dans l’hebdomadaire français Jeune Afrique, dans laquelle il décortique la politique économique du président Bouteflika, l’économiste français Alain Faujas prévoit le pire pour l’Algérie. Pour planter le décor de ce qui s’apparente pour lui à une dérive annoncée, il commence par partir du postulat que le gouvernement algérien est confronté pour l’heure à une «équation complexe».
Rappelant la dépendance de l’Algérie au pétrole et les ravages causés justement par l’effondrement du prix du brut, Alain Faujas soutient que le pays est mis au défi à la fois de «contenir ses déficits, de soutenir une croissance molle et un dinar vacillant». Tout cela, ajoute-t-il, «sans exaspérer une population biberonnée aux subventions et recourir à l’intervention étatique». Dans sa tribune, que l’on devine soufflée par les milieux traditionnellement hostiles à l’Algérie, l’économiste français pense avoir décelé que les autorités algériennes s’inspirent largement de l’exemple malaisien pour résoudre l’équation complexe dont il parle. Qu’est ce qui faire dire une telle chose à Alain Faujas ?
Il fait remarquer que l’Algérie, un peu comme la Malaisie, a pris la direction opposée des recommandations du FMI et de la Banque mondiale, qui lui avaient conseillé plus de rigueur budgétaire et le développement de ses exportations. En guise de preuve, il signale que «le budget complémentaire publié le 2 mai prévoit une rallonge de 500 milliards de dinars (3,6 milliards d’euros) pour cinq ministères et une ‘‘taxe supplémentaire provisoire préventive’’ sur les importations de produits finis». Autrement dit, argue-t-il encore, «la relance sera financée par la planche à billets». Il regrettera presque que l’Algérie n’ait pas coupé les vivres à son peuple et qu’elle ait refusé de se vendre aux multinationales.
A partir de là, Alain Faujas, qui se présente comme un spécialiste en macroéconomie (mondiale et tous pays) ainsi qu’en politique intérieure française, s’est employé à démontrer en quoi l’Algérie n’est pas la Malaisie et pourquoi la recette basée sur le protectionnisme et un budget en expansion préconisée par le gouvernement algérien pour dépasser la crise ne régleront rien. Un protectionnisme qui, selon lui, «vise à limiter l’hémorragie de devises, à réserver aux entrepreneurs nationaux le marché domestique et à forcer les importateurs étrangers à fabriquer leurs produits en Algérie».
«En fait, l’Algérie de Bouteflika n’a rien à voir avec la Malaisie de Mahathir. La première s’est de longue date recroquevillée sur elle-même et n’exporte que du pétrole, quand la seconde était immergée dans la mondialisation et se portait comme un charme jusqu’à l’éclatement de la crise asiatique de 1997», assène Alain Faujas, qui ajoute que «la première souffre d’une crise récurrente, alors que la seconde était victime d’une crise importée née de la panique des marchés face à la chute de ses exportations, notamment électroniques, vers les Etats-Unis en cours de ralentissement».
Cette tribune, tirée par les cheveux – tout autant que celles d’ailleurs (produites en Algérie et ailleurs) ayant parié, il y a deux ans, sur un effondrement de l’Algérie –, confirme que la détermination de l’Algérie à tenir à distance le FMI et les pays occidentaux qui veulent lui imposer le chemin à suivre est judicieuse et clairvoyante. Plus encore, la démarche dérange. A ce propos, Alain Faujas se montre même déçu que l’Algérie n’ait pas… coulé et qu’elle ait pris la résolution de s’en sortir par elle-même.
D’où, d’ailleurs, son acharnement contre les politiques du gouvernement algérien et l’Algérie. Aussi, tient-il absolument à accréditer l’idée que l’Algérie piquera du nez un jour ou l’autre.
Au terme de sa comparaison des deux pays, l’économiste français assure, d’ailleurs, que «la voie choisie par Alger ressemble à un sauve-qui-peut». «Face à la crise pétrolière, il faudrait que les autres secteurs de l’économie compensent par un surcroît de ventes à l’étranger l’effondrement des recettes d’exportation qui en est résulté. Hélas, l’Algérie n’a pas grand-chose à vendre, à part des hydrocarbures. Abritées derrière le protectionnisme ambiant, ses entreprises ont pour la plupart adopté une attitude rentière. Pourquoi se démener pour vendre en Europe ou dans le reste de l’Afrique quand il est plus facile d’approvisionner un marché intérieur protégé, fût-ce au prix de petits arrangements avec les pouvoirs ?», s’interroge-t-il.
Alain Faujas aggrave son sinistre «audit» en soutenant l’idée que le gouvernement «dirigiste» algérien bloque toute initiative du privé algérien de changer la donne et de faire de l’Algérie un pays producteur et exportateur de biens. Le spécialiste auquel Jeune Afrique a ouvert ses colonnes finit par prédire que la «pauvre Algérie va connaître le fort regain d’une inflation déjà à plus de 5% par an et n’a ni la volonté de sortir du tout-pétrole ni les moyens d’offrir des emplois dignes de ce nom à sa jeunesse !».
Il ajoute qu’«il reste à souhaiter à ses dirigeants que le prix du baril se maintienne à plus de 80 dollars (environ 67 euros) pour leur permettre de survivre. Jusqu’à la prochaine crise et jusqu’à l’ultime goutte d’or noir». Bizarrement, cette sombre prédiction rappelle celle faite par certains spécialistes qui avaient soutenu que l’Algérie connaîtrait une inflation à… quatre chiffres.
S. S.
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