Contribution – Pourquoi Donald Trump veut sa guerre contre la Chine
Par Mesloub Khider – «Dans une guerre, c’est toujours l’adversaire qui commence.» (Francis Blanche)
L’économie américaine est en faillite. En effet, sa dette souveraine dépasse les 20 000 milliards. Et son armée lui coûte 650 milliards de dollars par année. Pourtant, elle ne parvient pas à gagner une seule guerre. Ni à occuper l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie ou le Yémen. Le chômage dépasse les 10% et l’indice de pauvreté (IPH) est de 17%. Bref, l’Amérique est sur son déclin. De toute manière, la bourgeoisie américaine ne veut pas se résoudre à cette évidence. Et de toute évidence, elle veut résoudre à sa manière bourgeoise ce déclin. Par la guerre.
L’Amérique est le seul pays au monde, avec Israël, qui soit née dans la boue et le sang. Née par le massacre des Indiens. Bâtie des siècles durant sur l’esclavage des Noirs. Construite jusqu’à présent sur le racisme institutionnalisé. Née par l’occupation illégitime (colonialisme), le vol des terres indiennes, la rapine des richesses, l’expansion permanente de son territoire initial, le massacre des populations indigènes, la guerre contre sa mère patrie anglaise (trahison), les guerres contre les nations souveraines voisines ; le seul pays à avoir massacré aux moyens de bombes atomiques des centaines de milliers d’êtres humains (Japonais). C’est le seul pays à être un pur produit du capitalisme. Les Etats-Unis ne peuvent pas se targuer de disposer d’une civilisation autre que capitaliste. Les Etats-Unis sont nés par/dans/pour le capitalisme. Peuplés dès l’origine de vagabonds et de brigands, leur civilisation de pacotille continue à vivre de vagabondage multiculturel et de brigandage économique.
A contrario, l’économie chinoise affiche une santé étincelante, une progression insolente. Elle est en croissance constante (7% l’an dernier). La Chine, grande civilisation millénaire, grimpe vers la première économie impérialiste mondiale. Sa monnaie, le yuan, tend à supplanter le dollar au niveau des transactions internationales.
Ainsi, la croissance chinoise se développe vertigineusement. Ses investissements en Afrique et en Asie prospèrent exponentiellement. Au détriment des Etats-Unis dont la puissance économique périclite. Au plan militaire, l’armée chinoise, couplée à celle de son allié russe, forme aujourd’hui potentiellement le plus puissant tandem militaire des temps modernes. Cependant, pour préserver sa domination économique et maintenir le statu quo, la Chine veut éviter à tout prix tout conflit militaire. En effet, tout conflit militaire lui sera irrémédiablement préjudiciable. C’est dans ce souci de préservation de la paix qu’il faut situer les derniers rebondissements relatifs à l’apaisement des tensions (certes momentanément avorté) entre la Corée du Nord et les Etats-Unis.
C’est la Chine, parrain de la Corée du Nord, qui a contraint le dirigeant Kim Jong-un à mettre en sourdine ses surenchères belliqueuses devant un Trump déterminé à se lancer dans une guerre contre Pyongyang (en réalité contre Pékin). De changer de fusil d’épaule. D’épauler son tuteur chinois dans la préservation de son négoce par l’ouverture des négociations avec l’Amérique de Trump. Et contrairement aux élucubrations des experts gracieusement rémunérés, prisonniers d’une vision psychologisante de l’histoire, le revirement de la position nord-coréenne ne s’explique pas par l’adoucissement soudain du tempérament faussement belliciste du dirigeant nord-coréen, mais par le durcissement de l’attitude de la Chine à l’encontre de son protégé vassal. C’est le motif pour lequel le dirigeant Kim Jong-un a été secrètement convoqué au mois de mars dernier à Pékin. Il a été sermonné. Briefé.
La Chine ne veut pas de guerre à ses frontières. Encore moins à l’intérieur de ses frontières. La bourgeoisie chinoise ne veut pas perdre son leadership économique mondial. Consciente des visées déstabilisatrices des Etats-Unis déterminés à provoquer un embrasement militaire en Asie pour détruire le potentiel industriel et commercial chinois, le pouvoir capitaliste maoïste tente de temporiser les ardeurs guerrières de Trump par sa politique internationale conciliatrice et par la neutralisation récente de son toutou nord-coréen, aussi bruyant dans ses aboiements qu’inoffensif par ses fantasmagoriques morsures. Aussi, c’est dans cette conjoncture de grave crise économique des Etats-Unis qu’il faut replacer les dernières reconfigurations géostratégiques intervenues en Asie et au Moyen-Orient. Notamment sur la question iranienne et nord-coréenne.
Selon toutes les études économiques, la croissance économique mondiale est en berne. Pour la première fois depuis une décennie, le FMI ne révisera pas ses estimations. Preuve que depuis l’éclatement de la crise de 2008, l’économie est toujours alitée. En dépit d’une rémission timide, l’économie mondiale est toujours en convalescence. Certes, l’économie américaine a connu une légère relance, mais obtenue grâce à l’élargissement massif de la dette, au recours au crédit, cette drogue financière injectée à haute dose par les circuits bancaires pour doper une économie en manque de liquidités monétaires et de clientèles solvables.
D’après la Banque des règlements internationaux, le fardeau de la dette globale était de 2,25 fois le taux de rendement économique annuel en 2008. Il s’estime désormais à 3,30 fois. Les experts financiers indiquent que la dette mondiale (publique et privée combinées) est passée de 17 trillions de dollars en 2006 à un incroyable 233 trillions de dollars aujourd’hui. La production de l’avenir est déjà hypothéquée à l’infini. La prochaine crise financière est non seulement inévitable, mais elle s’approche à grands pas.
En réalité, cette crise économique capitaliste perdure depuis plus de 40 ans. Depuis la fin des années 1970, les travailleurs ont payé un lourd tribut. Leurs salaires ont chuté. Et la mondialisation a entraîné la destruction des emplois, délocalisés vers les pays à faible salaire. Aujourd’hui, la richesse du monde est concentrée dans les mains d’une poignée de milliardaires. Aux Etats-Unis, par exemple, le fossé entre riches et pauvres est désormais le même qu’en 1917. Cependant, les Etats-Unis ont beau toujours être militairement puissants, le conflit commercial révèle l’effritement de leur position économique dominante mondiale.
Pourtant, après la chute de l’URSS, tous les thuriféraires de la démocratie triomphante bourgeoise prophétisaient l’instauration d’une économie capitaliste prospère, la fin des guerres, la «diffusion du bonheur sur la terre enfin totalement libéral». On sait ce qu’il en est advenu. Ce triomphalisme américain (occidental) de la «fin de l’histoire» et du début d’un monde nouveau prospère n’a duré que le temps d’une saison. Les guerres balkaniques ont rapidement dévoilé la nature instinctive impérialiste et guerrière du capitalisme. Depuis lors, les Etats-Unis ont porté la guerre aux quatre coins du monde. En Afghanistan, en Irak. Avec les échecs cuisants qu’on connaît.
Ces échecs en Afghanistan et en Irak ont été combinés avec la montée en puissance de la Chine. Néanmoins, les Etats-Unis demeurent toujours la première puissance militaire au monde. En effet, il y a une disparité complète entre la puissance militaire américaine et les autres pays. Ses troupes sont présentes presque partout, ses marines contrôlent les zones de cargaison mondiales. Ses dépenses militaires représentent le double de celles de la Chine et de la Russie réunies. Aujourd’hui, la donne a changé. Avec l’élection de Trump aux commandes de la machine militaire hyperpuissante de l’Amérique, les magnats du pétrole tout comme la bourgeoisie rétamée sont résolus à provoquer une troisième guerre mondiale.
La pression en faveur d’une action militaire préemptive s’accroît. Et les réunions récentes de Trump avec Bolton et Pompeo rapprochent la probabilité d’une guerre. Derrière eux se dissimulent les think tanks américains désireux d’entraîner leur pays dans l’action militaire pour contrer l’expansion de la Chine. Les guerres féroces commerciales représentent toujours le prélude des guerres atroces militaires. Tout indique que cette longue agonie économique s’achèvera par la confrontation militaire généralisée.
Dans cette conjoncture de préparatifs idéologiques belliqueux, le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien constitue une étape dans la marche à la guerre impérialiste généralisée. Et l’annulation intempestive par Trump du sommet entre les deux présidents américain et nord-coréen vient renforcer cette perspective de l’acheminement inexorable vers la confrontation militaire généralisée. (Ce coup de théâtre traduit l’extrême tension régnant à la Maison-Blanche et au Pentagone parmi les multiples fractions bourgeoises tiraillées par des dissensions portant sur l’entrée en guerre ou non des Etats-Unis).
En effet, la décision de Trump de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien est un pas important dans l’évolution des «relations internationales», c’est-à-dire des rivalités impérialistes. Les conséquences n’en sont pas seulement les risques d’extension immédiate des guerres au Moyen-Orient. Mais, surtout, l’aggravation accélérée des tensions entre grandes puissances impérialistes et l’affirmation croissante d’une polarisation impérialiste centrale entre les Etats-Unis et l’Europe continentale. Au-delà de l’aspect économique, l’ultimatum est d’ordre politique et impérialiste.
Pour l’Union européenne, et principalement sa première puissance économique l’Allemagne, le dilemme est le suivant : ou se soumettre à l’ultimatum américain et s’attendre à subir d’autres diktats successifs suivants, lui ôtant tout crédit impérialiste auprès des autres grandes puissances ou bien il serait «temps pour l’Europe de résister aux Etats-Unis», en regroupant autour d’elle le front impérialiste anti-américain, à commencer par la Chine et la Russie.
Manifestement, la furie paroxystique, qui s’est emparée de la bourgeoisie américaine face à son recul historique constant depuis la disparition de l’URSS, entraîne les Etats-Unis inexorablement dans des aventures guerrières. Assurément, le capitalisme entraîne l’humanité dans la guerre impérialiste généralisée. Ainsi, comme on l’observe ces dernières années, la disparition des blocs n’a pas mis fin aux conflits militaires. Au contraire, l’impérialisme n’a pas disparu ; il prend d’autres formes. Aujourd’hui, chaque Etat (Iran, Turquie, Arabie Saoudite, Maroc, et d’autres petits pays) cherche à satisfaire ses propres intérêts ou appétits impérialistes contre les autres, aux dépens de la stabilité des alliances. On est entré dans l’ère où prédomine une tendance vers la guerre de tous contre tous, les déchaînements d’un chaos meurtrier et de la barbarie guerrière.
Dans cette phase de décadence, on observe une multiplication des conflits aux quatre coins du monde. Conflits dans lesquels les grandes et moyennes puissances s’affrontent par petits Etats, par bandes rivales armées ou même par ethnies interposées.
De toute évidence, chaque bourgeoisie nationale n’a d’autre choix que de s’engager dans la marche à la guerre généralisée, et dans la confrontation avec sa propre classe laborieuse pour la neutraliser et l’entraîner au moyen d’un embrigadement idéologique chauviniste belliciste vers la guerre menée au service d’un camp impérialiste.
Aussi, dans cette période de guerres économiques visibles menées contre les masses populaires, et de guerres militaires généralisées prévisibles, les classes laborieuses, particulièrement ses minorités politiques les plus conscientes et combatives, n’auront pas d’autre choix que de s’engager dans la défense résolue de leurs intérêts socio-économiques et politiques, en assumant la confrontation avec le capitalisme, et avec leur Etat s’il tente d’entraîner sa population laborieuse dans la guerre impérialiste.
«La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas.» (Paul Valery)
M. K.
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