Des personnalités appellent Macron à reconnaître le crime d’Etat contre Audin
Par Hani Abdi – L’affaire de Maurice Audin revient sur la scène politique française. 54 personnalités signent une tribune publiée sur le journal l’Humanité appelant le président français à reconnaître le crime d’Etat dans cette affaire. «Dix-huit ans après l’appel des douze contre la torture, l’Humanité a pris l’initiative d’une lettre ouverte au président de la République signée par une cinquantaine de personnalités pour que justice soit enfin rendue à Maurice Audin et aux milliers d’Algériens ‘‘disparus’’ après avoir été torturés par l’armée française. Le 11 juin, Emmanuel Macron doit reconnaître ce crime d’Etat», écrit ce quotidien français.
«Le 11 juin 1957, pendant la bataille d’Alger, Maurice Audin, mathématicien communiste de 25 ans, était arrêté par les parachutistes du général Massu devant sa famille, avant d’être torturé. Le jeune assistant à la Faculté d’Alger n’en est jamais revenu et l’armée française a fait disparaître son corps», précise-t-on dans cette tribune signée par notamment Pouria Amirshahi, directeur de Politis, Ludivine Bantigny, historienne, maîtresse de conférences à l’Université de Rouen-Normandie, Florence Beaugé, journaliste (ex-Le Monde), Alban Bensa, anthropologue, Esther Benbassa, sénatrice des Verts de Paris, Anissa Bouayed, historienne, et Simone de Bollardière, veuve du général Jacques Pâris de Bollardière, opposé à la torture et condamné à deux mois de forteresse.
«Plus de soixante ans ont passé et Josette Audin, sa femme, attend ‘‘toujours que la France, pays des droits de l’Homme, condamne la torture, ceux qui l’ont utilisée et ceux qui l’ont autorisée.» Car Maurice Audin ne s’est pas évaporé dans la nature après une évasion, comme l’a trop longtemps soutenu la «version officielle», ajoutent les signataires de cet appel. «A la suite de Pierre Vidal-Naquet, tous ceux qui ont travaillé sur cette ‘‘affaire’’ ont établi que Maurice Audin avait été torturé et assassiné par l’armée française, agissant dans le cadre des pouvoirs spéciaux votés par le pouvoir politique. Mais, de loi d’amnistie en non-lieu, tout a été fait au plus haut sommet de l’Etat pour camoufler la vérité sur les crimes perpétrés par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Et toute une génération d’appelés a été marquée à vie, murée dans le silence et la honte», dénoncent-ils, espérant un geste fort et courageux du président Macron.
«Des deux côtés de la Méditerranée, les mémoires algérienne et française resteront hantées par les horreurs qui ont marqué cette guerre, tant que la vérité n’aura pas été dite et reconnue, comme le relevait déjà l’Appel des douze grands témoins contre la torture publié en octobre 2000 dans l’Humanité. Il est aujourd’hui grand temps d’apaiser cette mémoire pour aller de l’avant», ajoutent ces signataires qui soulignent qu’«en 1999, l’Etat français reconnaissait officiellement la ‘‘guerre’’ d’Algérie qui ne fut ni de simples ‘‘évènements’’ ni des ‘‘opérations de maintien de l’ordre’’, mais bien ‘‘une sale guerre’’ dont les plaies peinent encore à cicatriser».
En 2014, le président de la République, François Hollande, reconnaissait que la thèse de l’évasion de Maurice Audin était un mensonge d’Etat et qu’il était bien mort au cours de sa détention. «Monsieur le président de la République, vous avez promis ‘‘des actes forts sur cette période de l’histoire’’. La reconnaissance des sévices subis par Maurice Audin, puis de son assassinat par l’armée française serait cet acte fort. Le moment est venu. Pour sa famille d’abord, qui l’attend depuis plus de soixante ans, mais aussi pour les milliers d’Algériens ‘‘disparus’’ comme Maurice Audin de l’autre côté de la Méditerranée», affirment-ils.
H. A.
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