Une contribution de Youcef Benzatat – Lignes rouges et souverainetés
Par Youcef Benzatat – S’il y a une ligne rouge dont le franchissement pourrait provoquer la perte de la souveraineté nationale et, par conséquence, la disparition de la nation, c’est de toute évidence celle qui menacerait l’intégrité territoriale, l’unité du peuple et la stabilité des institutions de l’Etat. Celle-là même à laquelle faisait allusion le vice-ministre de la Défense, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, le général Gaïd Salah, il y a si peu. La force et la pertinence de cette mise en garde de la part du chef d’état-major de l’armée devraient constituer en toute circonstance l’orientation du sens et le socle de tout combat militant pour toute forme de souveraineté, y compris celui qui est orienté contre l’usurpation de la souveraineté populaire par l’institution militaire elle-même.
Qu’il s’agisse du combat pour un état civil, pour la démocratie, pour la désacralisation des textes constitutifs ou de l’espace public, pour la liberté de conscience et la laïcité, pour la souveraineté de la femme sur son corps et pour l’égalité de droit entre homme et femme, pour la citoyenneté républicaine face au repli identitaire ethnique et religieux ou pour tout autre combat contre toute forme d’aliénation ou contre un quelconque clivage ou inégalité, qui constituent en soi des lignes rouges intercalaires qu’aucun pouvoir n’est en droit de franchir, cela ne doit en aucun cas se faire en franchissement de cette ligne rouge qui viendrait menacer la disparition de la nation.
Nul ne peut ignorer aujourd’hui que la géopolitique est en défaveur de cette nécessité de préservation de notre souveraineté nationale, à cause de notre histoire, de l’impact symbolique de notre combat victorieux contre l’impérialisme colonialiste et de notre non alignement dans les rivalités des processus géostratégiques d’aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui guettent nos moindres perclusions pour pouvoir nous soustraire de l’échiquier de leurs obstacles, pour l’accomplissement de leurs enjeux hégémoniques. Des perclusions qui sont nombreuses, il faut l’admettre, à commencer par l’usurpation et l’opacité qui entoure la fonction présidentielle et le coup de force constitutionnel permanent qui la rend possible.
Si cette mise en garde de la part du chef d’état-major de l’armée, qui apparaissait d’emblée incongrue au vu de la situation politique nationale, n’avait provoqué à son énonciation qu’un débat sourd dans la société civile et dans les médias dits indépendants, c’est parce qu’elle a pu cibler la faille du débat public en la matérialisation de cette ligne rouge de la préservation de la souveraineté nationale.
Ce n’est pas par hasard, par jalousie ou par vengeance personnelle, comme voudraient le faire croire certains, que des intellectuels, des écrivains et des journalistes de la stature de Rachid Boudjedra, d’Abdellali Merdaci et d’autres, se sont insurgés contre d’autres intellectuels, écrivains et journalistes, tels que Kamel Daoud, Boualam Sansal, Yasmina Khadra, Ahmed Benaïssa, Wassila Tamzali, pour ne citer que ceux-là, mais parce que ces derniers se sont rendu coupables pour avoir franchi dangereusement cette ligne rouge et permis l’affaiblissement de la résistance à sa consolidation. Certains par prédisposition au type du larbin, Kamel Daoud et Yasmina Khadra, par la posture de la haine de soi, exprimée à travers leur amnésie volontaire des blessures subies dans la représentation de la conscience nationale. D’autres par vengeance, induite par une prédisposition à la perversion politique du fait d’une faible personnalité, Boualem Sansal et Wassila Tamzali. Le premier pour avoir été privé de l’ascension dans la fonction publique et la seconde nourrissant une haine aveugle contre le pouvoir qui est issu du mouvement national auquel elle attribue l’assassinat de son père.
C’est dans cette perspective d’analyse qu’il faudra situer le cas Lila Haddad Lefèvre, cette journaliste algéro-belge qui a servi de porte-parole au Parlement européen, pour distiller sa propagande d’une Algérie monstrueuse, qui représente une bombe à retardement et un danger potentiel pour la sécurité de l’Europe. C’est une journaliste qui ne se contente pas seulement de jouer au border line, en cristallisant volontairement dans sa personnalité et son action tous les travers des personnalités citées plus haut, mais elle en fait une raison existentielle et un objectif ultime. Sur son journal en ligne créé il y a peu, on ne trouve nulle préoccupation pour une transition pacifique pour un Etat civil dans un régime démocratique. Je l’ai moi-même contactée avant ses déboires, pendant la campagne électorale des précédentes présidentielles pour soutenir la candidature d’Ahmed Benbitour, qui se présentait à ce moment avec un projet rassembleur pour une transition démocratique pacifique, que je soutenais dans un premier temps, avant de me raviser du fait qu’il avait changé d’orientation à son discours au cours de la campagne électorale, qui s’est avéré un véritable projet de gouvernance islamo-conservateur, pour ne pas dire projet politique dont il était déficient. Sa réponse fut «claire, nette et précise» ; j’ai dû comprendre que la transition pacifique était son dernier souci.
Aujourd’hui, après la diffusion de cette problématique vidéo depuis le Parlement européen, je suis convaincu que nous avons sur les bras une nouvelle m’torni, comme dirait Abdellali Merdaci, dont le désir n’est ni la transition démocratique ni la souveraineté du peuple, mais seulement un égo démesuré à assouvir à n’importe quel prix, fût-il au détriment de la pérennité de la nation, auquel il faudra certainement superposer quelques perversions politiques induites par d’obscurs désirs de vengeances déstabilisatrices.
Y. B.
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