Mohamed-Cherif Belmihoub : «L’avenir de l’économie nationale est préoccupant»
Dans un entretien filmé accordé à Algeriepatriotique, l’économiste et consultant international Mohamed-Cherif Belmihoub tire la sonnette d’alarme sur l’état actuel de l’économie nationale qu’il qualifie de «préoccupant». Sa crainte de voir l’économie algérienne sombrer davantage s’explique, a-t-il dit, par le fait que personne n’a jusqu’à présent pris l’initiative de mener les réformes structurelles nécessaires.
«En 2006-2007, il existait bien un projet de réformes assez ambitieux mais, par la suite, il a été remis en cause faute de consensus politique sur les questions économiques. Depuis, le pays est resté dans des mesures de court terme. Les responsables se sont contentés de mettre en place des mécanismes de régulation. Mais cela ne réglera rien», avertit Mohamed-Cherif Belmihoub.
L’économiste appelle plutôt à opter pour des mécanismes de transformation de l’économie. «Les mécanismes de régulation sont faits pour ajuster une économie dynamique et pour faire fonctionner une économie. Or, nous ne sommes pas encore dans ce cas-là», ajoute-t-il, tout en signifiant que la priorité des priorités est de construire, avant tout, une économie productive et compétitive afin de ne plus dépendre des caprices des prix du brut.
Mohamed-Cherif Belmihoub estime que dans l’immédiat il n’y a pas d’inquiétudes à court terme du fait de la remontée des prix du pétrole et de la réduction des différents déficits. Au plan comptable, dit-il, les équilibres sont plus ou moins assurés, surtout que les réserves de change sont là pour faire face aux mauvaises surprises. Cependant, il signale que le pays n’est pas encore à l’abri d’un autre choc dans la mesure où les questions de fond comme celle liée aux réformes n’ont pas été prises en charge ni par les politiques économiques, ni par les analystes. Le consultant international soutient, en outre, que le succès de toute réforme de ce type requiert des acteurs et des institutions légitimes et compétents. Et, pour lui, cette denrée est rare en Algérie.
Mohamed-Cherif Belmihoub critique ainsi les autorités qui se conduisent comme de simples comptables alors qu’il aurait fallu qu’elles s’emploient à mettre en place une véritable politique économique. Pour lui, il est inconcevable de tout attendre d’une loi de finances qui n’est qu’un instrument d’exécution d’une politique économique sur le moyen terme. «La loi de finances n’est qu’un outil d’exécution d’une politique économique, d’une doctrine économique. Comme en Algérie il n’existe pas véritablement de politique économique, de véritables politiques publiques, on fait jouer à la loi de finances un rôle qui n’est pas le sien, celui de politique économique, avec des mesures qui devraient relever beaucoup plus de lois, de textes réglementaires édictés par le gouvernement ou des départements ministériels», indique-t-il. C’est cette manière de faire, ajoute-t-il, qui fait que des spécialistes comme lui sont préoccupés concernant l’avenir de l’économie nationale.
Dans son entretien, Mohamed-Cherif Belmihoub a attiré, une nouvelle fois, l’attention sur les risques du recours à la planche à billets, démarche présentée par le gouvernement comme la meilleure des parades pour prémunir le pays contre le choc de la crise financière qu’il subit de plein fouet. Le spécialiste considère que l’initiative est «trop risquée» car elle risque de contribuer à l’augmentation de la dette du Trésor. Une dette qui risque à terme de devenir problématique. «Les conséquences immédiates seront : une spirale inflationniste, un effet d’éviction sur le marché du crédit pour les entreprises au profit de la sphère publique, alors que le financement du FNI est une discrimination en défaveur du secteur privé», affirme-t-il encore. Pour lui, il est clair que le gouvernement a opté pour un traitement comptable et non pour un traitement en profondeur de la crise.
Que pense-t-il de la décision (aujourd’hui annulée) d’augmenter les droits de timbre sur la Carte d’identité, la carte grise, le passeport et le permis de conduire ? Là encore, le professeur Mohamed-Cherif Belmihoub estime qu’elle n’était pas justifiée, surtout qu’elle s’est avérée impopulaire. «Cette mesure n’aurait pas été efficace de toutes les façons car elle n’aurait pas rapporté beaucoup au Trésor public. Ce sont des calculs d’épicier. Elle n’avait pas véritablement de sens économique», analyse le spécialiste.
S. S.
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