La leçon espagnole
Par Sadek Sahraoui – Souvent décriée, la justice espagnole a donné hier la preuve qu’elle n’avait pas du tout perdu son âme. Mieux, elle a démontré qu’elle était même l’une des meilleures au monde. En n’hésitant pas à mettre derrière les barreaux Iñaki Urdangarin, le beau-frère du roi d’Espagne, les juges espagnols ont, en effet, fourni l’assurance à la société civile qu’ils n’avaient pas de fil à la patte et que la démocratie espagnole n’était pas en panne, comme cela a pu être avancé ici et là.
Autrement dit, ils ont prouvé que le principe politique, selon lequel les fonctions des institutions publiques sont divisées entre le pouvoir législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les met en œuvre et les fait appliquer et le pouvoir judiciaire qui les interprète et les fait respecter, était plus que jamais opérant. On parle bien évidemment de la notion de séparation des pouvoirs, qui est souvent mise à mal, y compris dans les nations les plus avancées.
Iñaki Urdangarin avait été condamné en première instance en février 2017 par le tribunal de Palma de Majorque à six ans et trois mois de prison pour avoir détourné entre 2004 et 2006 avec un associé des subventions attribuées à la fondation à but non lucratif Noos qu’il présidait. Une peine légèrement revue à la baisse à cinq ans et dix mois en appel par la Cour suprême de Madrid.
Tout le monde a pu le suivre en live sur les chaînes de télévision espagnoles, Iñaki Urdangarin, a été incarcéré comme n’importe quel justiciable. A coup sûr, les Espagnols doivent aujourd’hui se sentir fiers de constater que la justice de leur pays est la même pour tous et que personne n’est au-dessus de la loi. L’épilogue que vient de connaître ce feuilleton judiciaire entamé au début des années 2010 aura pour effet aussi de rendre sa crédibilité à la monarchie espagnole dont l’image a été ternie.
Dans cette affaire, le roi Felipe VI a eu la sagesse, en effet, de ne pas commettre l’irréparable. Et l’irréparable aurait été qu’il s’ingère dans le travail de la justice pour sauver son beau-frère de la prison en faisant jouer, par exemple, son pouvoir discrétionnaire ou invoquant la «raison d’Etat», comme le font souvent les leaders des républiques bananières. Et veillant justement à rester en retrait, Felipe VI a même rendu les institutions de son pays encore plus fortes et plus légitimes. C’est là assurément une belle leçon que l’Espagne vient de donner au monde. Il faut espérer maintenant que les Etats de non-droit essaieront de s’en inspirer.
S. S.
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