Trafic d’esclaves en Libye : ce que cache l’Afrique du Nord

trafic esclaves Libye
Des migrants sont vendus comme esclaves pour une somme allant de 300 à 500 dollars. D. R.

Par Gabriella Lima – Le trafic d’êtres humains est un sujet sensible, mais peu discuté. Il est difficile de croire que cette pratique barbare n’a pas disparu. Le cas des réfugiés libyens a pour autant soulevé de nouveau cette question. Le 7 juin, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies a sanctionné six chefs de réseaux de trafiquants de migrants en Libye. Mais ce n’est qu’une goutte dans l’océan.

Une plaque tournante de trafic humain

Le réseau des trafiquants est composé de groupes armés qui contrôlent les frontières sud et une partie de la côte du pays. Les marchés illicites se trouvent principalement à proximité de Tripoli. Des migrants, essentiellement des jeunes hommes, y sont vendus comme esclaves pour une somme allant de 300 à 500 dollars. Originaires surtout du Nigeria, du Sénégal et de Gambie, les migrants sont capturés alors qu’ils font route vers le nord de la Libye, d’où ils comptent gagner l’Europe en traversant la Méditerranée. Tout au long de ce voyage, ils sont capturés par différentes milices opérant dans le pays. Les autorités libyennes, dont beaucoup tirent profit du trafic, font semblant de ne pas le savoir.

Un contexte politique très instable

En effet, le gouvernement de transition n’est pas capable d’arrêter ce business scandaleux et lucratif. La Libye est meurtrie par les luttes d’influence et les violences entre groupes armés rivaux depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011.

La disparition de l’esclavage dans la deuxième moitié du XXe siècle fut liée à l’urbanisation et au développement industriel. Néanmoins, une reconfiguration économique après l’assassinat de Kadhafi, l’émergence des groupes armés contrôlant l’industrie pétrolière et le déclin des conditions de vie, tout cela a favorisé de nouveau ce commerce illicite.

Il est évident que pour régler le problème, il faut s’attaquer à ses racines. Le pays a besoin d’un ensemble de dispositions visant à mettre fin à l’instabilité et au chaos politique. Certains croient que la crise – à laquelle la France a contribué à l’époque – devrait se résoudre avec le temps. Contrairement à tous les espoirs, elle risque de s’aggraver. Les dirigeants libyens ne sont pas pour autant pressés à l’idée de stabiliser le pays alors que les leaders étrangers semblent ne pas pouvoir comprendre que le seul moyen d’arrêter l’afflux de migrants consiste au retour de la paix en Libye.

G. L.

Commentaires

    Mme CH
    22 juin 2018 - 2 h 01 min

    Les vrais commanditaires et gestionnaires de ces réseaux sont les parties qui ont déstabilisé la Libye, et les parties qui alimentent encore les conflits armés entre les fractions rivales, afin de préserver leurs intérêts, quant aux libyens qu’ils meurent ils s’en foutent…!! D’ailleurs, selon Amnistie internationale « L’Europe en cause dans la crise de l’esclavage en Libye » (20/11/2017).

    Selon RFi, cette barbarie est avant tout le fruit pourri d’un écosystème qui commence dans les villes d’Afrique, qui va jusqu’aux bureaux de vote des pays européens, en passant par les dynamiques internes des pays de transit, comme la Libye. D’un côté, on connaît les causes de départ : la misère, l’oppression, les conflits, le dérèglement climatique, et parfois aussi la pression sociale de familles qui ont besoin d’argent.

    De l’autre, au bout de la route, il y a l’Europe, où les électeurs élisent majoritairement des gouvernements qui défendent une solution drastique, des contrôles sévères des frontières, et donc la politique de sous-traitance sécuritaire appliquée, par ricochet, par l’Union européenne. Au milieu de tout cela, prospèrent des mafias ou des bandes armées qui en profitent et font de l’argent, beaucoup d’argent, grâce à cette mécanique qui fournit de « la chair fraîche » pour un business qui représente plusieurs centaines de millions de dollars par an. A ce sujet, un chiffre officieux circule : 350 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2016, rien que dans l’Ouest libyen. Ce qui, explique un bon connaisseur de la Libye, est paradoxalement peu de chose dans un pays dont l’économie est ruinée et où le trafic d’êtres humains nourrit des familles entières, faute d’autres revenus possibles.

    Les Libyens n’ont pas besoin de larmes de crocodiles, ils ont besoin de paix et qu’on leur foute la paix…!!

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