Par-delà le trafic de cocaïne : ce que révèle le procès des frères Chikhi
Par Kamel M. – Les regards sont focalisés sur l’affaire de la tentative d’introduction de 700 kilogrammes de cocaïne dans le pays, une quantité gigantesque jamais atteinte auparavant. Autorités publiques, partis politiques et médias se sont emparés de ce qui est qualifié de grave atteinte à la sécurité nationale. Pourtant, les premiers éléments du procès indiquent clairement que le mal est bien plus profond.
L’affaire de la cocaïne révèle, en vérité, une grave crise morale qui mine la société algérienne depuis de longues années.Ce trafic de drogue, outre qu’il reflète l’image d’une Algérie qui chemine vers des affaires dont on n’entendait jusque-là qu’à travers les médias internationaux, démontre la collusion de plus en plus flagrante de fonctionnaires véreux avec le milieu et l’aggravation du phénomène de la corruption qui a atteint des proportions véritablement alarmantes.
Le procès n’est qu’à ses débuts, et il risque de révéler des faits qui achèveront de ternir l’image de l’administration, déjà montrée du doigt pour sa bureaucratie hypertrophiée en dépit des efforts du gouvernement à limiter les barrières qui éreintent le citoyen et encouragent la concussion.
Le procès des accusés dans cette affaire de la cocaïne saisie au port d’Oran ressemble, à s’y méprendre, à celle de la banque Khalifa. Celui qui était surnommé le «golden boy» algérien, aujourd’hui emprisonné, avait étendu ses tentacules jusque dans les moindres recoins de l’Etat.
Le procès de l’ancien milliardaire Rafik Khalifa avait, faut-il le rappeler, commencé par la découverte par la Banque d’Algérie d’un trou financier de 3 milliards de dollars au niveau de la caisse principale de cette banque privée. Condamné pour association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux, en même temps que neuf autres inculpés, Khalifa avait provoqué une vague d’indignation au sein de l’opinion publique en raison de la «naïveté» affirmée de plusieurs responsables politiques à l’époque.
Beaucoup d’Algériens ont encore en mémoire la fameuse phrase de Mourad Medelci, ministre des Finances à l’époque des faits : «Je n’étais pas assez intelligent.» Nombreux sont également ceux qui se souviennent de la déclaration d’Abdelmadjid Sidi-Saïd, patron de la centrale syndicale : «J’assume !» affirmant, de ce fait, avoir lui-même mis l’argent de la Cnas dans les caisses de la banque Khalifa. Les noms d’Abdelmadjid Tebboune et Abdesselam Bouchouareb avaient également été cités dans le procès.
Trois ans plus tard, les Algériens découvrent les frères Chikhi et se rendent compte que rien, depuis l’épisode Khalifa, n’a véritablement changé.
K. M.
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