La post-vérité ?

Sonatrach Watergate
Le scandale de Sonatrach est toujours vivace dans les esprits. New Press

Par Nouredine Benferhat – Le contexte semble différent, mais des similitudes existent entre l’ampleur des scandales qui se passent chez nous et celui du Watergate dans la façon dont est gérée la communication. Cette situation entropique fait le lit des rumeurs et ternit un peu plus l’image de notre pays.

Sommes-nous entrés dans une période de post-vérité ? Au regard des vérités qui nous sont assenées par le pouvoir, sans aucun doute. Le terme «Post-truth politics» a été introduit par l’écrivain et essayiste Steve Tesich (1942-1996), auteur d’un pamphlet, La Déroute de l’Amérique, publié le lendemain de la guerre du Golfe. Selon lui, une rupture s’est opérée après le scandale du Watergate. Tesich dénonce le nouveau «deal» que les dirigeants américains ont alors proposé à leur opinion publique, le choix entre l’estime de soi et la vérité, installant un nouvel esprit public : «Tous les dictateurs jusqu’à ce jour ont travaillé à supprimer la vérité. Nous, par notre action, affirmons que ce n’est plus nécessaire, nous avons acquis un mécanisme spirituel qui peut priver la vérité de toute importance.»

La vérité chez nous a perdu de son importance.

Même s’il s’inspire du roman 1984 de George Orwell, Steve Tesich ne confond pas la fin de la vérité et le mensonge totalitaire où le pouvoir imposait à une société l’idéologie d’une oligarchie prédatrice.

N. B.

 

Comment (7)

    Anonyme
    5 juillet 2018 - 11 h 50 min

    Certes, le scandale de Sonatrach est toujours vivace dans les esprits, mais il ne constitue nullement une « post vérité ». Il le sera quand on connaîtra tous les hauts responsables qui auront profité de la somme mirobolante qu’a dû payer la filiale de l’ENI pour obtenir le contrat de gazoduc. Et cela, nous ne le saurons qu’après le départ de Boutef, et encore ………..

    Anonyme
    2 juillet 2018 - 19 h 58 min

    Sensible aux bons conseils prodigués par Machiavel à son prince, l’homme politique en a déduit que pour réussir dans sa carrière, il n’est pas nécessaire d’avoir toutes les qualités requises pour l’exercice du pouvoir, mais de PARAITRE LES AVOIR.
    C’est ainsi que pour se fonder une opinion, on a fini par ne disposer que d’apparences plus ou moins éloignées des vérités que nous servent nos gouvernants par media interposés.
    Par ailleurs, une certaine pratique de notre religion encouragée par le pouvoir nous a rendus de plus en plus fatalistes. Ne dit-on pas de plus en plus souvent « Dieu seul le sait », ou « C’est Dieu qui l’aura voulu » pour nous consoler d’avoir cessé de nous battre pour le triomphe de la vérité ? Cette voie nous éloigne, hélas, de plus en plus de la démocratie, une valeur terminale qui ne peut se concevoir sans la quête permanente de vérité.

    Zaatar
    29 juin 2018 - 20 h 02 min

    De quelle vérité s’agit il ? Celle qui découle d’une cervelle humaine ? Mais tout le monde sait que chacun a sa vérité. De toute les manières les choses ne sont connues qu’après coup. Et c’est l’histoire en général qui les dévoilés. Car enfin, Si chacun ou tout le monde sait la vérité en temps réel, la suite des événements ou le futur ne serait pas ce qu’il serait et qui laisserait les interrogations en suspend. En fait et dans une logique implacable il faut revenir à la vérité de Mao. Elle se conçoit de la pratique et on corrige la vérité d’après la pratique.

    GHEDIA Aziz
    29 juin 2018 - 17 h 33 min

    La question que je me pose personnellement est : est-ce qu’il existe une « post-vérité » comme il existe une post-modernité ? La vérité est UNE. Et elle n’est ni archaïque, ni ,ni moderne ou post moderne. Sauf que personne ne la détient. De façon absolue. Ce qui peut paraître comme marqué par le sceau de la Vérité pour les uns, peut ne pas l’être pour d’autres. C’est ainsi d’ailleurs que l’on dit vérité ici mensonge au-delà des Pyrénées. Ou en tous les cas un truc qui ressemble à ça. Quant à la situation politico-économique d’ici et qui semble avoir inspiré l’auteur de cet article disons tout simplement… laissons le puits avec son couvercle. Tout est basé sur le Faux. Rien de vrai. Et cela est une vérité. De nos jours. Ni ancienne ni post moderne.

      lhadi
      1 juillet 2018 - 8 h 45 min

      Dans le dialogue Théétète, Socrate demande au jeune Théétète de dire en quoi consiste la science. Théétète répond : « Il me parait que celui qui sait une chose sent ce qu’il sait et, autant que j’en puis juger en ce moment, la science n’est autre chose que la sensation. » « Allons maintenant, dit Socrate, examinons en commun si ta conception est viable ou si elle n’est que du vent. » (Théétète, p.73.) Définir la science comme sensation, ce n’est pas dire autre chose que ce que dit Protagoras, même si la formule est un peu différente, à savoir : « L’homme est la mesure de toute chose. » (Ibid.) La thèse de Protagoras, thèse empiriste de la connaissance, affirme en effet : « Telle une chose m’apparait telle est pour moi,et (…) telle elle t’apparait à toi, telle elle est aussi pour toi.  » (Ibid.) Or, cet « apparaitre » c’est être senti : apparence et sensation sont identiques. Et la sensation est science.. Chaque homme est la mesure de toutes choses : à chacun est vraie l’opinion où se traduit sa sensation et ce qui semble à chacun est comme tel réel.

      L’examen de la réponse de Théétète se poursuivant, la définition de la science comme sensation est assimilée à la thèse mobilise d’Héraclite qui affirme que rien n’est jamais, que tout devient toujours, et que tout est le produit du flux et du mouvement. Si tout est mouvement et rien d’autre que mouvement, rien n’est en soi et par soi, et, par conséquent, dite Socrate, il y a rien auquel on puisse donner un nom ou un qualificatif de façon juste ; car si, par exemple, on dit qu’une chose est grande, elle apparaitrait aussi bien petite à un autre moment, sous un autre point de vue ou pour quelqu’un d’autre ; et il en est ainsi pour tout « parce que rien n’est un, ni déterminé, ni qualifié de quelque façon que ce soit  » (Ibid.). Selon la thèse mobilise, tout est mouvement, à la fois l’objet de la connaissance et le sujet qui regarde et qui change lui-même. Et tout est relatif : l’homme bien portant va sentir le vin comme doux ; l’homme malade va sentir le vin comme amer, et ces sensations sont irréfutables ; et rien n’est agent par soi, mais seulement dans la relation qu’il a avec un patient et réciproquement.

      Socrate entreprend ensuite l’examen critique de ces thèses et démontre que la sensation ne peut être science.

      Tout d’abord la thèse de Protagoras, « l’homme est la mesure de toutes choses », ne vise pas la vérité, objet de la science, mais vise en réalité l’utile. Le discours de qprotagoras est en fait un discours pragmatiste qui met entre parenthèses le souci de vérité. « Jamais en effet, dit Protagoras, on n’est parvenu à faire qu’un h homme qui avait des opinions fausses ait ensuite des opinions vraies, puisqu’il n’est pas possible d’avoir des opinions sur ce qui n’est pas, ni d’autres impressions que celles que l’on éprouve. » (Théétète, p.99.) Et même, dit encore Protagoras, certaines opinions peuvent être meilleurs que d’autres ou avoir plus de valeurs, mais il y en a pas entres elles de différence de vérité : il n’y a pas d’opinions plus vrais que d’autres. Il y a donc pas, selon le discours de Protagoras, de différence de vérité, mais des différences de valeur dont le critère est l’utilité. Le sage n’est pas, selon Protagoras, celui qui cherche la vérité mais celui qui fait passer une mauvaise disposition à une bonne disposition selon le critère du bien-être et de l’utile. On ne peut pas, par exemple, changer l’opinion de l’homme malade qui trouve le vin amer ni changer l’opinion de l’homme bien-portant qui trouve le vin doux, car ces deux sensations sont irréfutables, mais on peurs faire inversion des états, car la disposition du bien-portant vaut mieux que la disposition de l’homme malade.

      Ainsi le sage est, pour le corps médecin ; pour les plantes, l’agriculteur : pour la cité, le sophiste. Le sage n’est donc pas celui qui vise un savoir, mais un savoir-faire. « Par homme sage j’entends précisément, dit Protagoras, celui qui, changeant la face des objets, les faits apparaitre et êtres bons à celui à qui ils apparaissaient et étaient mauvais. » (Ibid., p.98.) La science est ainsi réduite à un savoir-faire, la vérité à la valeur dont le critère premier est l’agréable et le désagréable, le critère second étant la conservation.

      Socrate réfute alors la thèse de Protagoras. Il démontre que la thèse de Protagoras est insoutenable en ce qu’elle amène à reconnaître vraie l’opinion qui refuse la vérité à cette thèse même. Puisque ce que dit chacun est vrai, qui dit que la thèse ‘l’homme est la mesure de toutes choses » est fausse a raison. Puis Socrate montre que les faits eux-mêmes amènent à reconnaitre l’irréductibilité de la distinction entre le vrai et le faux. Et cette distinction ne se laisse pas subordonner à la normativité biologique. « Réfléchis, en effet, Théodore, dit Socrate : aucun partisan, de Protagoras voudrait-il et voudrais-tu toi-même soutenir que personne ne pense d’un autre homme qu’il est ignorant et qu’il a des opinions fausses ?  » et Théodore répond : « C’est une chose incroyable, Socrate.  » (Ibid., p.104.) Enfin, la thèse de Protagoras est insoutenable quand on considère le futur. On peut soutenir que telle une sensation apparait à chacun, telle est dans l’instant, mais pour un jugement p rotant sur l’avenir la sensation n’est plus la mesure.

      Socrate critique ensuite la thèse mobilise. Si les sensations comme telles sont irréfutables, par exemple l’amertume pour l’homme malade, elles ne sauraient fonder un discours scientifique. Il y a en effet impossibilité de tout discours s’il est suspendu au mobilisme universel. Si rien n’est stable, puisque tout change d’un instant en instant, y-a-t-il encore quoi que ce soit que l’on puisse même encore nommer en étant assuré de le nommer correctement ?  » Le moyen, Socrate ? Comment nommer n’importe quoi de ce genre, si chaque fois qu’on en parle, la chose se dérobe, puisqu’elle s’écoule toujours ? » (Ibid., p. 121.) Etre est un terme qu’il faut partout supprimer puisque tout est en mouvement. Or, être est un terme qui sous-tend tous nos jugements. De même, on ne peut employer de termes qui fixent l’objet du discours puisqu’il est toujours également en mouvement : « Il ne faut pas (…) concéder qu’on puisse dire « quelque chose », ou « de quelqu’un », ou « de moi », ou de « ceci », ou « cela » ou tout autre mot qui fixe les choses ; il faut dire, en accord avec la nature qu’elles sont en train de devenir, de se faire, de se d étrier, de s’altérer : car si, par sa façon de parler, on représente une chose comme stable, on s’expose ainsi aisément à être réfuté », dit Socrate (Ibid., p. 82). Et ainsi il est impossible de former un jugement, c’est-à-dire d’attribuer un prédicat à un sujet par la copule est. Il n’y a pas, selon la thèse mobilise d’objet stable de la connaissance. Et celui qui veut connaitre est lui-même soumis au changement infini et instantané des sensations en lui, sensations multiples qui le divisent. Il a à peine le temps de reconnaitre une sensation qu’elle est déjà devenue autre. Ainsi, de toute sensation, vision ou audition, on ne pourra dire qu’elle subsiste en cet état de vision ou d’audition. Et aucune sensation ne peut être déterminée comme telle ou non telle, aucune sensation ne peut être appelée, par exemple, vision plutôt que non-vision, puisque tout se meut. « En ce cas, notre réponse à la question » qu’est-ce que la science ? » ne signifie pas science plutôt que non-science. » (Ibid.,p.122.)

      La sensation n’est donc pas la science. Pour qu’une science soit possible, sont nécessaire à la fois la stabilité de l’objet à connaitre et l’unité de celui qui connait.

      Fraternellement lhadi
      ([email protected])

    Anonyme
    29 juin 2018 - 15 h 17 min

    La vérité n’existe que dans le cadre des facteurs qui la valorisent. Qualitativement, la vérité peut paraitre très importante, surtout quand elle obéit aux amplificateurs des sentiments tells que les dogmes et les slogans. Quantitativement, la vérité ne devrait être vendue qu’avec tous les outils et accessoires nécessaires pour en monter une réplique assez réaliste chez soi. Or, par les temps qui courent et avec le monopole de la came importée, il est difficile au patriote zélé de se lancer dans le biz du vrai. Et puis, y’a-t-il vraiment suffisamment de demande de « vérité » pour qu’on y investisse ?
    Seul un retour aux sources intarissables de ce peuple, sa profondeur historique et culturelle, peut nous faire sentir un jour du vrai. Sinon c’est le faux et fade que nous allons bouffer jusqu’à ne plus pouvoir se souvenir du gout de la vérité.
    Le retour aux sources n’est qu’une affaire de prise de conscience et de courage…car ce sont là les seuls garants du salut.

    Argentroi
    29 juin 2018 - 12 h 04 min

    Mais à quelle vérité peut-on accéder en Algérie ? Balancés entre un pouvoir qui se situe au néolithique de la communication qui croit faussement qu’il n’a que faire de notre opinion, cela d’un côté et les fake news des réseaux du Net colportés par on ne sait qui, d’un autre côté, l’algérien reste toujours assoiffé de vérité. Même la presse papier qui ne peut s’émanciper du fait de la rétention d’information du pouvoir ou de son alignement derrière un clan du pouvoir ou autre, ne peut nous éclairer davantage. Les plus avertis de nous passent leur temps à douter des informations qu’ils leurs parviennent. Les autres sont intoxiqués et manipulés quand ils prêtent l’oreille aux différentes campagnes de matraquage d’astroturfing auquel se livrent officines et réseaux mus et actionnés selon les intérêts de leurs commanditaires et non à la recherche de la vérité . Il reste donc à passer au crible de la critique, du débat contradictoire et de l’analyse toutes les informations qu’on peut recevoir pour se faire une opinion qui au moins émanera en toute liberté et conscience de chacun de nous puisqu’on aura ainsi fait l’effort d’éviter la manipulation. On en sortira ainsi plus aguerri !

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