Le «système algérien» expliqué par la chercheuse Dalia Ghanem Yazbeck
Par R. Mahmoudi – L’Institut italien des études politiques internationales (ISPI), en partenariat avec le Carnegie Middle East Center (Beyrouth), a organisé, cette semaine à Milan, une conférence axée sur le système politique algérien.
La chercheuse et politologue libanaise, et spécialiste des mouvements djihadistes, Dalia Ghanem Yazbeck a eu à répondre à des questions d’un panel de chercheurs italiens sur la question. Première question posée : «Pourquoi souhaiterions-nous toujours comprendre ce système (algérien), alors que nous savons pertinemment que c’est un système hermétiquement fermé et inaccessible ?»
Ghanem Yazbek explique, d’entrée, que l’importance de l’Algérie réside dans le fait que c’est l’un des plus grands pays du monde arabe et un partenaire des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme depuis les événements du 11-Septembre, et aussi pour son rôle de médiateur régional pour la paix.
Pour cette politologue, l’écrivain Giuseppe de Lampedusa résumerait l’approche politique des dirigeants en ces termes : «Il faut que quelque chose bouge pour que tout reste en place.» Ce qui a fait, selon la chercheuse, que le système politique algérien, qui a subi plusieurs changements au cours des dernières décennies, est resté au fond lui-même. En résumé : le système algérien a su tirer les leçons de «la guerre civile», en préférant faire face désormais aux troubles sociaux par des concessions politiques graduelles et des avantages économiques contrôlés. Par exemple, le système algérien a pu contenir la «Révolution du jasmin» à travers des réformes constitutionnelles et des aides aux jeunes.
Cette posture fait du système algérien un «système hybride», alliant démocratie et dictature. «Les élections, l’opposition et la liberté d’expression existent, mais sont-elles un véritable défi pour le système ? La réponse est non.» Yazbek Ghanem citera comme exemple le pluralisme politique imposé par l’Etat pour «absorber le mécontentement social et renforcer le contrôle du gouvernement sur la société et maintenir l’ordre». Elle rappelle que plus de 30 partis forment aujourd’hui l’échiquier de l’opposition en Algérie, mais sont incapables de constituer une alternative au pouvoir en place. Leur faiblesse, souligne-t-elle, est moins le résultat de l’oppression ou de la récupération par le pouvoir que celui du non-respect des principes démocratiques au sein même de ces partis. «Les mêmes personnes qui se battent pour la démocratie en Algérie sont incapables de les accepter dans leurs rangs», résume-t-elle, donnant comme exemple le Front des forces socialistes «dont le chef était au pouvoir depuis 55 ans, bien qu’il ait vécu dans son exil, en Suisse».
Dans cette mutation en cours, l’armée continuera à jouer un rôle-clé en politique, du fait de son passé historique et de sa position comme institution la mieux organisée du pays. Aussi l’ANP demeure-t-elle l’institution qui jouit de la plus grande confiance des Algériens.
A la question, pernicieuse, d’une participante au débat de savoir comment l’armée algérienne a pu préserver toute cette confiance, malgré sa réaction violente face aux terroristes durant les années 1990, Ghanem Yazebck eut cette répons : «Beaucoup d’Algériens voient l’armée comme le sauveur, sans lequel l’Algérie serait devenue une république à l’iranienne.»
Enfin, au sujet de la succession de Bouteflika, l’intervenante estime que celui qui lui succédera «sera le prototype du système qui a régné depuis 55 ans, et ne pourra accéder à ce poste qu’avec la caution de l’armée».
R. M.
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