Ces risques que les chaînes de télévision privées font courir à l’Algérie
Par Akram Chorfi – L’Algérie, en tant qu’Etat, fait partie des pays les plus méticuleux au monde en matière de respect des lois internationales dont le pays a ratifié la plus grande majorité quand celles-ci ne portent pas atteinte à sa souveraineté ni ne compromettent les principes sur lesquels est érigé l’édifice républicain. Pourtant, des Algériens, et ils sont nombreux à entretenir cette perception, ont tendance à se considérer comme en dehors de la sphère planétaire quand il s’agit de l’idée de devoir rendre des comptes sur l’usage qu’ils font, avec toute la publicité nécessaire, des copyrights internationaux.
Que la contrefaçon que nous subissons aux dépens de nos industries anciennes et naissantes et qui fait le bonheur de nos marchés informels, ait pignon sur rue et qu’elle fleurisse à l’échelle nationale comme une revanche du pauvre sur l’inaccessibilité des grandes marques, voilà qui peut s’expliquer sans pour autant pouvoir être justifié, tant il est vrai que sur l’autel du prestige, par la contrefaçon se sacrifie la qualité.
Le jour où nous serons membres à part entière de l’Organisation mondiale du commerce, nous serons certainement assaillis d’opérateurs internationaux exigeant, comme autant d’avocats et de juges, que nous mettions de l’ordre dans nos affaires commerciales internes et que nous rétablissions dans leurs droits de propriétaires des droits les fabricants de toutes les marques dont les modèles contrefaits jonchent nos trottoirs et hantent nos vitrines, y compris ces produits artistiques qui portent des timbres de droit de diffusion locale, alors qu’il s’agit de produits internationaux dupliqués et écoulés par dizaines de milliers d’exemplaires.
Mais d’ores et déjà, une catégorie de pirates a émergé ces dernières années, dont les pratiques défient l’entendement, et qui risquent d’engendrer une hécatombe de procès à l’international et de revendications de droits qui pourraient coûter très cher à l’Algérie. Et pour cause, il s’agit de la toute-puissante industrie cinématographique hollywoodienne que des chaînes privées, dites de droit étranger, narguent à partir de notre pays en diffusant des films récents, qui plus est sur satellite, dont les droits n’ont pas été payés. Ces chaînes, certes de droit étranger, dont certaines ont vu agréer leurs bureaux à Alger, diffusent des produits culturels algériens, couvrent des événements économiques et politiques nationaux, animent des plateaux auxquels sont invités des artistes et des personnalités publiques de notre pays et ne peuvent donc échapper à la catégorie nationale dans la perception internationale, notamment en matière de poursuites judiciaires.
En fait de chaînes de droit étranger, l’appréciation sur la nationalité des chaînes pirates dont nous parlons n’est pas indemne d’un certain subjectivisme par lequel la juridiction internationale pourrait se laisser tenter, alors qu’un autre recours serait possible à l’amont, celui de demander au diffuseur satellitaire, sur ordre de justice, de stopper la diffusion de ces chaînes qui bafouent les droits de diffusion publique.
Toujours est-il que notre pays n’est guère à l’abri d’une démarche qui consisterait à le responsabiliser juridiquement, et donc aussi financièrement, par rapport à ces chaînes qui se complaisent dans ces pratiques illégales ; agissements dont elles se seraient départies, voire qu’elles n’auraient jamais commis si elles n’avaient pas le sentiment d’impunité du fait que leurs responsables croient à une «insularité» illusoire et absurde de l’Algérie par rapport aux lois internationales.
Des voix s’élèvent, çà et là, pour mettre en garde contre ces pratiques et des opérateurs commencent déjà à intenter des procès à l’international pour y couper court, mais rien ne dit qu’à l’avenir, ces chaînes ne commettront pas de nouveaux actes qui bafouent le droit à la propriété intellectuelle ; nous savons même que cela se fait au moment où s’écrit ce texte.
Quelle marge de manœuvre pour l’Algérie contre ces pratiques que l’Etat désapprouve ? Peut-il agir contre des chaînes privées (de droit étranger) sans risquer de voir pointer des doigts qui dénonceraient, par ailleurs, une volonté de museler politiquement des chaînes libres au nom de ce principe qui serait alors identifié comme un prétexte pour attenter à la liberté médiatique ?
A. C.
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