Salafissisme
Par Akram Chorfi – Les salafistes ont ouvert un front du bon côté de leur sphère de pouvoir car ils savent que leur audience n’est pas dans les partis politiques où la crédibilité a été éculée par presque deux décennies de pratique partisane stérile.
Bien entendu, c’est dans l’espace politique qu’ils comptent investir leur capital de popularité et de crédibilité pour convertir celui-ci en dividendes de pouvoir mais cela n’est pas pour aujourd’hui, l’enjeu étant d’abord de consolider et de poursuivre la conquête des espaces où l’écoute des croyants – citoyens acquis au discours religieux – est décuplée, nourrie qu’elle est par une éducation qui établit que dans les mosquées le discours de l’orateur-imam est incontestable, cat ce que ça parle est lui-même incontestable en tant que paroles divines ou prophétiques sacralisées.
L’Etat semble être mis à mal par ces imams qui ont noyauté les lieux de culte afin de continuer à asseoir leur emprise spirituelle et doctrinaire sur les croyants, et l’on sait comment un simple sermon du vendredi peut être investi de messages qui nourrissent subversion et fanatisme et qui chargent l’autorité publique de façon insidieuse, faisant ainsi de la mosquée un espace d’opposition politique qui a l’avantage de servir de tribune où une force politique peut s’offrir le luxe, très rare, de s’exprimer au nom de Dieu.
Compétition politique déloyale par laquelle les salafistes compensent leur marginalité partisane et de pouvoir, en avançant, de façon reptilienne, sur le plan religieux et des idées, se nourrissant de tout événement qui décrédibilise le pouvoir en place pour enfourcher le discours aguerri de la moralisation et surfer sur les consciences des citoyens.
La respectabilité de l’imam-militant, qui n’a pas peur de défier le pouvoir depuis sa tribune, versus la corruption de l’homme politique. Voilà l’antinomie sur laquelle repose le discours des salafistes qui construisent dans l’imaginaire citoyen l’image – ou tout simplement réactivent celle qui sommeille – de l’imam juste (al imamou l’âadil) qui est confondu, par et dans le discours, avec le gouvernant, celui qui doit légitimement régner sur les croyants.
Tels sont les enjeux qui fondent tout l’activisme qui se trame dans les mosquées algériennes que tente de contrecarrer le ministère des Affaires religieuses et des Waqfs et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, notamment les monarchies, où pouvoir et islamisme adverse investissent les mosquées dans une optique de manipulation idéologique, l’autorité républicaine en Algérie a toujours veillé à neutraliser la vocation politique de la mosquée au profit d’une vocation foncièrement religieuse, de portée sociale, l’enjeu étant de localiser le discours politique là où le situe la modernité démocratique, c’est-à-dire au sein des partis politiques.
A. C.
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