Un ancien diplomate français révèle : «Au Mali, la France avait soutenu les groupes séparatistes»
Par Sadek Sahraoui − Dans une tribune intitulée «Au Mali, le chaos résulte d’une succession de faux-pas de la diplomatie française», publiée vendredi 27 juillet dans le quotidien Le Monde, Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, a critiqué de manière acerbe la politique malienne de Paris, affirmant que les autorités françaises ont aggravé la situation en ayant soutenu, en 2012, les séparatistes touareg du MNLA, groupe qu’il qualifie de «bande de narco-sécessionnistes plus ou moins laïques». Un soutien qui aurait pu provoquer l’éclatement du Mali.
Sans aller jusqu’à remettre en cause la pertinence de la décision de lancer en 2013 l’opération Serval, Nicolas Normand pense ainsi que c’était une erreur stratégique de soutenir certains groupes au détriment d’autres. Selon lui, la normalisation de la situation devait passer par la neutralisation de tout le monde. «D’abord, dans le cadre de Serval, on avait cru bon de faire un distinguo entre les différents groupes armés, certains (les bandes ″narco-sécessionnistes″ plus ou moins laïques) étant qualifiés de ″politiques″ et les autres, trafiquants d’inspiration islamique ou djihadiste, dominants sur le terrain, étant assimilés, à tort ou à raison, à des terroristes. En réalité, il n’y a pas de bons groupes armés dans un Etat démocratique, et chacun aurait dû être neutralisé ou au moins contraint à un désarmement immédiat», soutient Nicolas Normand.
L’ancien diplomate français estime ainsi que c’était particulièrement une erreur d’avoir favorisé «considérablement» la faction touareg sécessionniste quasi réduite à néant sur le terrain au détriment de Bamako, des autres factions touaregs non sécessionnistes et des autres communautés non touaregs, pourtant majoritaires dans le Nord malien. Pourquoi une erreur ? Pour lui, «l’appui français aux Ifoghas sécessionnistes a suscité la création de groupes armés touareg pro-Bamako et, aujourd’hui, ces deux factions ne cessent de s’affronter, notamment pour le contrôle de Kidal et sa région, dans une ″lutte des castes″ doublée d’une concurrence pour le narcotrafic».
Nicolas Normand estime également que le principe même de passer un accord de paix avec des groupes armés, survalorisés, a été lourd de conséquences. Pour lui, il a favorisé l’«impunité pour ceux qui ont recouru à la violence en déstabilisant toute une région et donné une prime même à la violence grâce aux avantages divers accordés par l’accord d’Alger, récompensant ainsi le ″syndicalisme de la kalachnikov″». De son point de vue, cette manière de faire a provoqué aussi «incompréhension et découragement des populations et communauté laissées à l’écart de l’accord parce qu’elles n’avaient pas pris les armes». C’est pourquoi, ajoute-t-il, «on assiste, après 2015, à une multiplication des groupes armés sur une base tribale ou communautaire, chacun voulant profiter des avantages à négocier et aussi à se défendre contre les autres groupes».
Au passage, l’ancien diplomate français critique le fait que l’opération de désarmement des groupes armés n’a pas encore commencé, ce qui incite certaines communautés non touaregs à se placer sous la protection de groupes djihadistes.
S. S.
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