Contribution – Tourisme : pourquoi l’Algérie occupe la 118e place mondiale
Par Nasser Chali (*) – Il n’ y a rien de mieux pour l’être humain que d’aller en vacances pour fuir la grisaille du quotidien, le stress et la morosité des jours qui passent et se ressemblent. Une collègue m’a dit un jour qu’elle était partie en vacances munie de sa carte de crédit, c’est-à-dire avec des dettes. En bon montagnard, je lui ai répondu que c’était insensé ! Elle réfléchit un moment, sourit puis d’un ton placide lâcha : «Ma santé prime sur tout !» Certains appellent le tourisme la «mondialisation heureuse» à l’inverse de l’autre mondialisation faite de guerres et de prédation.
Les chiffres du tourisme sont parlants (1)
En 1950, les touristes internationaux généraient 2 milliards de dollars de recettes, en 1980, 278 milliards, en 2000, 500 milliards et en 2015, 1 200 millions de touristes pour 1 500 milliards de dollars de recettes.
L’Algérie finira-t-elle un jour par avoir une part de cette «nouvelle manne» qu’est le tourisme ? N’est-ce pas catastrophique de voir que nous avons un potentiel énorme mais qu’on ne peut utiliser ? Certains rétorqueront qu’il y a la bureaucratie, la corruption, le laisser-aller, etc. Ces fléaux existent aussi chez nos voisins. Cela ne les empêche pas, pour autant, de bâtir une industrie du tourisme «acceptable». Sommes-nous devenus maudits par cette rente pétrolière qui nous ramollit, nous donne l’illusion d’être riches et rend fiers d’avoir les caisses pleines [uniquement] quand les prix du pétrole montent ? Allons-nous continuer â être des cigales quand les fourmis amassent des milliards hors-hydrocarbures ? Pathétique !
Les chiffres sont décevants
– Les recettes touristiques au Maroc représentent 11% du PIB en 2017 (2).
– Selon un rapport de la Cnuced (3), le tourisme a contribué à hauteur de 15,1% du PIB en Tunisie.
– En France, les recettes touristiques sont de 7% du PIB (4), selon le quotidien Challenges du 3 avril 2018.
– En Algérie, le tourisme représente à peine 1,5% du PIB.
Le World Economic Forum classe l’Algérie à la 118e place sur 180 pays dans la compétitivité touristique. La Tunisie occupe la 14e place et le Maroc la 16e.
Ces statistiques sont évidentes, elles ne nécessitent pas de commentaires sur notre faiblesse dans le domaine touristique.
Les blocages du tourisme en Algérie
– Les spécialistes relèvent que la bureaucratie fait que les investisseurs nationaux et étrangers sont découragés et optent pour d’autres destinations.
– Un manque d’infrastructures criard. Les projets de constructions d’hôtels somnolent dans les tiroirs de l’administration.
– Un manque flagrant de culture touristique. La politesse, l’accueil chaleureux et l’ouverture sur l’autre doivent exister chez nous. Il ne faut pas voir en l’étranger un intrus qui vient nous dévaliser alors qu’il y a des millions de nationaux à l’étranger.
– Complexité des procédures pour l’obtention des visas pour les touristes. Le Premier ministre français vient de déclarer qu’il allait accélérer la délivrance des visas pour les ressortissants de dix pays pour doper le tourisme.
Les solutions
– Formation d’un personnel touristique conformément aux normes mondiales. Les écoles de tourisme ne sont pas nombreuses et sans personnel adéquat, il n’y a pas de tourisme. Si certains pays ont des structures touristiques adéquates, mais souffrent de l’absence de ressources humaines, cela n’encouragera pas les touristes à venir visiter le pays. D’où l’importance de la formation des compétences dans les domaines de l’accueil et de l’hébergement.
– Les capacités d’accueil sont insuffisantes. Les réalisations en matière d’hôtellerie se rétrécissent par manque d’intérêt de l’administration.
– La réforme du foncier et la délivrance des permis de construire sont les véritables causes du retard enregistré dans ce secteur.
Un investisseur de renom mondial a attendu un an pour avoir un permis de construire pour construire son usine. Alors je propose que le délai pour l’obtention d’un permis de construire sera d’un mois. Si on ne le délivre pas, le constructeur sera libre de commencer ses travaux.
– Un cours sur le tourisme et ses bienfaits doit être incorporé dans les programmes scolaires et qui va montrer aux élèves les différentes régions du pays avec les merveilles du terroir et aussi inculquer aux élèves le respect de l’autre, qu’il soit national ou étranger.
– Développer le tourisme chez l’habitant. Chez nos voisins, cette méthode fonctionne bien. Cela créera des petites entreprises privées et pourrait aider l’industrie touristique qui souffre du manque de lits.
– Ouvrir les cités universitaires, les dortoirs des lycées et CEM pour les touristes, cela nous permettra d’apprendre à gagner de l’argent au lieu de ne dépendre que du budget de l’Etat.
Conclusion
En Algérie, bien que nous ayons de gros atouts, on laisse fondre le tourisme et on se met en colère quand nos compatriotes se font malmener à l’étranger. L’immensité du désert, des sites paradisiaques, une côte magique de 1 200 kilomètres font de tout ce patrimoine un trésor caché sous terre dont tout le monde connaît l’emplacement mais que personne n’ose exploiter. Selon un rapport de Greenpeace (5), l’Algérie est élue parmi les 10 plus beaux pays du monde par sa diversité naturelle, ses paysages pittoresques, sa verdure, ses plaines et son désert. A quand le réveil de ce géant touristique ?
Il n’y que la volonté politique qui peut faire bouger les lignes. Les pouvoirs publics sont interpellés. Une destination touristique se construit en 10 ans. Alors secouons-nous.
Je ne comprendrai jamais comment les officiels s’impliquent corps et âme dans la gestion du football, secteur budgétivore à souhait et producteur de joie éphémère, au lieu de s ‘intéresser aux questions économiques qui pourront prendre en otage l’avenir de tout un pays.
Je suis convaincu que nous pouvons vaincre l’absence des hydrocarbures qui nous guette. D’autres pays non loin de nous l’ont fait. Si le tourisme est une industrie des pays riches, cela constitue aussi une opportunité pour les pays en développement pour sortir de la pauvreté.
N. C.
(*) Enseignant, Toronto.
PS : Quant aux Tunisiens qui malmènent nos touristes, je leur dirais que la patience a des limites et que la générosité envers vous de l’Algérie pourrait vite changer. L’aplaventrisme et le complexe du colonisé guident encore nos voisins et sont érigés en valeurs nationales. Il est grand temps d’envisager d’autres destinations plus respectueuses de l’être humain.
Cela ne veut pas dire que nous sommes des anges, mais nous méritons un peu de respect comme tous les citoyens du monde. Il est temps d’envisager le boycott de la destination Tunisie pour nous éviter de futures mésaventures et ce pour le bien de tous.
1- Revue Sciences humaines, mars 2017.
2- Secrétariat d’Etat marocain chargé du tourisme.
3- Rapport de la Cnuced, 2017.
4- Quotidien Challenges du 3 avril 2018.
5- Greenpeace, rapport de 2018.
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