Lettre d’un jeune Israélien qui refuse d’effectuer son service militaire
Par Kadour Naïmi – A ceux (Algériens ou autres) qui se demandent pourquoi la cause palestinienne soulève tant de passion, à ceux qui insultent le peuple palestinien avec divers prétextes fallacieux, à ceux qui se rendent en Israël non pour rencontrer des résistants palestiniens ou des Israéliens contraires à l’oppression du peuple palestinien mais pour participer à des rencontres organisées par des personnes liées à l’Etat oppresseur d’Israël, à ceux qui se font photographier à l’ONU en compagnie souriante avec des représentants de l’Etat oppresseur d’Israël, à ceux qui accusent toute critique de la politique de l’Etat israélien comme étant de l’«antisémitisme», à ceux qui glorifient l’Etat israélien comme un « exemple de démocratie». Mais également à ceux qui confondent tous les juifs du monde et tous les Israéliens avec la politique coloniale de l’Etat sioniste. Que tous ces gens-là, donc, lisent la lettre publique que voici :
«Je m’appelle Hilel Garmi. J’ai 19 ans, et je devais être incorporé dans l’armée israélienne au début août 2018.
Récemment, dans le contexte des manifestations gazaouies près de la barrière construite à Gaza, j’ai pris le temps de lire les déclarations d’Ahmed Abu Ratima, l’un des organisateurs de ce mouvement et j’ai été très impressionné de découvrir ces gens qui ont opté pour des alternatives non armées pour aborder la question de la situation entre la Méditerranée et le fleuve Jourdain.
Comme eux, je crois en la désobéissance civile pour souligner le caractère illégitime de notre régime. Mon frère aîné et mes deux sœurs ont fait leur armée. Et quand j’étais petit, le passage par l’armée était pour moi non seulement une obligation inévitable, mais aussi un des objectifs qui me fascinaient, et je voulais servir dans une unité d’élite.
Mais en grandissant, et en étant convaincu que tous les êtres humains sont égaux, j’ai changé d’avis. Je ne crois pas à l’existence d’un dénominateur commun entre juifs qui feraient d’eux des êtres différents des Arabes. Je ne vois pas pourquoi je devrais être traité différemment d’un enfant né à Gaza ou à Jénine. Et je ne pense pas que les souffrances ou les joies soient plus importantes pour les uns que pour les autres.
Alors, je me suis demandé pourquoi 3 millions d’habitants de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est vivent sous occupation militaire depuis plus d’un siècle, et pourquoi 2 millions de Gazaouis subissent un siège militaire, imposé depuis plus de 10 ans par Israël sur terre, mer et dans le ciel. Qu’est-ce qui donne à Israël le droit de gérer la vie de ces 5 millions d’êtres humains ? De décider de leur droit de circuler, d’importer, d’exporter, de pêcher ou d’avoir de l’électricité ? De pouvoir les arrêter à tout moment ?
Pas question pour moi de participer à un régime aussi antidémocratique, et à tous les maux qu’il impose aux Palestiniens dans leur vie quotidienne afin de permettre à une autre population de prendre leur place. Il y a des lignes rouges qu’on ne peut franchir, et pour moi celles-ci sont infranchissables.
Ma décision de rendre ceci public est liée au fait que je suis convaincu que la désobéissance civile peut amener des changements sociétaux, en faisant appel au sens de la justice des plus privilégiés qui vivent dans cette région.
Si les manifestants de Gaza ont le courage de recourir à cette option, je me sens l’obligation et le pouvoir, en tant que personne née du côté de ceux qui détiennent le pouvoir, de m’engager également dans cette voie.
Hilel Garmi, août 2018.»(1)
Cette position publique a causé l’arrestation et l’emprisonnement de l’auteur. Cependant, la solidarité ne manque pas en faveur de ce jeune à la conscience claire et juste(2).
K. N.
(1) Traduit par CAPJPO-EuroPalestine, http://europalestine.com/spip.php?article14540&lang=en.
(2) Voir le réseau de solidarité avec les refuzniks : https://secure.squarespace.com/checkout/donate?donatePageId=570282fdb6aa607cbb9542c0. Consulter également http://www.refuser.org/.
Pour approfondir cette thématique du refus de servir de la part de militaires faisant partie d’armées d’agression, signalons l’association, concernant Israël, «Courage to Refuse» (Courage de refuser), le mouvement des militaires israéliens qui refusent de combattre dans une guerre qu’ils considèrent d’oppression du peuple palestinien. Par ailleurs, aux Etats-Unis., existe le mouvement de militaires refusant de servir dans les guerres d’agression en Afghanistan, en Irak et ailleurs, voir La Guerre pourquoi ? La paix comment ?, librement télédéchargeable ici : http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_guerre_paix.html
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