L’intellect et le pneu
Par Akram Chorfi – Pourquoi les pouvoirs publics transigent-ils avec la rue et avec les brûleurs de pneus qui se mettent souvent dans l’illégalité et dans des postures infra-citoyennes et se montrent intransigeants vis-à-vis des citoyens qui s’organisent pour exprimer leurs revendications dans un cadre légalement valable ?
On a souvent vu matraquer les représentants de corps de métiers qui ne sont rien d’autres que l’élite du pays, traités avec un souverain mépris et agressés avec zèle par les forces de l’ordre, et vu parallèlement récompenser des accès de violence inouïe de la part de jeunes désœuvrés, par une écoute inédite et des réponses qui, souvent, s’apparentent à une récompense de cette violence.
Selon toute logique, et au vu du sens que l’on peut donner à cette manière de faire la part des choses dans l’entendement des décideurs, il semble bien que l’on ait tranché, depuis longtemps déjà, cette question en différenciant le traitement des cas de rassemblements de citoyens organisés qui sont structurés pour communiquer sans violence et qui ont, chacun quelque chose à perdre, et celui d’une foule informe où l’on vocifère et proteste en paralysant la circulation routière et en brûlant, à même les routes, tout ce qui peut être brûlé au mépris des lois et de l’autorité.
Tout ce qui admet une brèche d’illégitimité légale semble complaire aux gestionnaires politiques qui redoutent que ceux qui brûlent et cassent n’apprennent à s’organiser, dans la non-violence, en prenant exemple sur les élites leur façon irréprochable et inattaquable de s’organiser et de protester. Ce qui serait catastrophique et un précédent intolérable qui donnerait au plus grand nombre – la foule informe – la clé du changement.
Alors, pour que la foule ne prenne pas modèle sur l’élite, on matraque l’élite pour dire à la foule que sa façon de faire – brûler des pneus et casser – est la façon idoine pour se faire écouter.
Une approche machiavélique pour casser l’élan de la société vers la modernité, mais pas pour construire un Etat où ce sont les élites qui pensent le changement et qui inspirent le peuple pour qu’il emprunte les voies les plus salutaires.
A. C.
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