Qu’est-ce que le système ?

Algérie doléances
Qui a fait le système algérien et qui le nourrit ? D. R.

Par Akram Chorfi – Qui ne se plaint du système ? Le chef de l’Etat lui-même pourrait avoir ses doléances sur le sujet. Un système dont la bureaucratie a broyé les meilleures volontés, dont les travers ont lesté l’élan vers la modernité et dont la schizophrénie a tiraillé ses acteurs entre l’inquisition religieuse et les tentations corruptrices de la rente.

D’où le consensus rare en Algérie, entre tous les décideurs politiques, ceux qui le déclarent et ceux qui ne peuvent le déclarer, du fait de leurs positions d’acteurs endogènes, qu’il faut faire partir le système. Voilà un postulat de départ sur lequel tout le monde est d’accord.

Néanmoins, il y a une question qui demeure pendante à savoir : comment faire partir le système ? Qui incarne le système qui puisse, en étant neutralisé, signifier la fin du système ?

Le Président ? Le système, pourtant, semble antérieur au chef de l’Etat et même à quelques-uns avant lui. Des militaires au sein des institutions ? Les rotations qu’ont connues les postes de commandement militaire dans notre pays montrent bien que le système semble fonctionner sans la volonté des hommes. Le Parlement ? Je crois que la meilleure réponse à cette dernière question, c’est : sans commentaire. A moins que ce ne soient les organisations de masse ? Elles ne peuvent être que la dernière roue de la charrette, elles qui servent dans les moments de crise et dans les périodes électorales. Tout au plus un symptôme du système. Les partis politiques ? Les voix qui leur parviennent sont toujours incertaines et les plus privilégiés d’entre eux n’ont pas plus de visibilité politique que trois pas dans un couloir obscur.

Mais alors, qui est/où est le système ? C’est quoi le système ? Comment fonctionne le système ?

Le système est peut-être dans les travers humains que nous avons tous en commun. Après tout, nous ne sommes pas une monarchie, et ceux qui nous gouvernent sont de nous et ne tombent pas du ciel. Le système est peut-être dans notre paresse, notre propension à accepter notre sort de rentiers, dans notre tendance à ériger l’égalitarisme injuste en justice sociale au nom de principes mal compris, dans la prégnance de nos craintes enfouies de colonisés à la dignité écorchée vive…

Le système, c’est aussi, peut-être, un peu nous, populations en retrait par rapport aux idées de progrès, adeptes du système «D» au lieu de bousculer les travers, pollueurs invétérés, acteurs de l’insalubrité publique, corrupteurs tentateurs des corrompus, inquisiteurs de notre prochain dans l’espace urbain où l’indifférence est une miséricorde, renchérisseurs affameurs des plus pauvres d’entre nous par appât du gain sans mérite.

Le système, comme dirait Barthes le sémiologue, est un mythe que nous avons créé dans notre terminologie politique pour éviter de culpabiliser en tant qu’habitants – pas encore citoyens- quant à notre responsabilité collective, de haut en bas, sur le sort de l’Algérie.

A. C.

Comment (19)

    Med
    17 août 2018 - 7 h 22 min

    Les systèmes rentiers, avant la découverte du pétrole, étaient basés généralement sur la ponction fiscale. L’empire ottoman qui a survécu des siècles grâce à ce système, établi par la force militaire, a marqué le pas au fur et à mesure que les pays soumis se sont soulevés contre la domination et l’injustice. La 1ère Guerre Mondiale a donné le coup de grâce à cet empire, devenu désormais une proie facile.
    Un système basé sur la rente réussira à se tenir tant que la rente sera au rendez-vous. Quand il y a embellie sur les marchés pétroliers, la distribution de la rente se fait plus généreuse. A l’inverse le peuple devra modérer sinon réduire ses exigences.
    Le dépassement du système basé sur la rente pourra s’effectuer dans la mesure où une véritable économie voit le jour. Une économie nationale basée sur une industrie digne de son nom, dont le processus productif s’étale depuis l’exploitation de la matière première jusqu’à la réalisation du produit fini afin de répondre à la demande interne et à l’exportation. Idem pour l’agriculture, à même de couvrir entièrement les besoins nationaux. Les secteurs stratégiques (énergie, santé, éducation, transports, eau, électricité etc.) doivent rester du ressort de l’État. Encourager un secteur privé sain et non compradore, intégré dans le système productif. Un tel système, moins dépendant de la rente, crée par la force des choses des protagonistes sociaux (classes travailleuses) qui seront amenés à la négociation des acquis, à la défense des acquis ou à la lutte pour les acquis.
    Pour cela il faut des hommes d’état avec une vision lointaine et pas des hommes politiques qui ne voient pas plus loin que les échéances électorales.

    Amazighkan
    16 août 2018 - 19 h 21 min

    Le système est né avant 1962, les pères sont ceux qui ont trahi le serment de novembre 1954 et du congrès de la Soumam. Le système a ensuite grandi dans les mensonges et les compromissions. Le peuple n’en est en rien complice bien au contraire il en est victime. Ce système a bénéficié de conjonctures favorables (gestion de la rente), de la naïveté du peuple qui croit aux sornettes du pseudo fln et de Fafa qui détient des archives explosives sur certains les décideurs usurpateurs du pouvoir.
    Ce système opaque a échoué lamentablement puisque jusqu’à ce jour l’Algérie est dépendante à 98% de la rente des hydrocarbures.

    Kouidri
    16 août 2018 - 15 h 16 min

    Avec « Le chef de l’Etat lui-même pourrait avoir ses doléances sur le sujet » Akram Chorfi fait de la provocation. Il faut rappeler que ce chef de L’Etat a changé la constitution pour continuer à régner mais il ne l’a pas fait pour changer ce système, dont tout le monde se plaint. Ce qui caractérise le système politique algérien qui est en vigueur au lendemain de la première constitution à ce jour est cet amalgame entre démocratie et théocratie. Une République enrobée de religion. Il suffit donc de séparer le religieux du politique pour entamer la solution et changer de système. Le malheur des partis politiques et de beaucoup d’intellectuels est dans cette confusion qu’ils font entre système politique et pouvoir. La collaboration de certains au gouvernement a peut-être éveillé les consciences sur ce sujet mais pas celle de Akram Chorfi !

    Abou Stroff
    16 août 2018 - 14 h 16 min

    pour caractériser une formation sociale (c’est à dire le système qui la domine), il me semble, en mettant en exergue ma modestie légendaire, qu’il faille retrouver le rapport social dominant qui lie (et généralement oppose) les diverses couches sociales qui composent cette formation sociale.
    ainsi, dans une formation sociale féodale, la rente que doivent verser les serfs aux seigneurs est le rapport autour duquel gravite l’ensemble (serfs, seigneur, petits artisans, petits et grands commerçants, etc…) des couches sociales qui forment la dite formation et qui caractérise et distingue cette dernière.
    dans une formation sociale capitaliste (où domine le système capitaliste), la plus-value, rapport de production et résultat de l’exploitation de la force de travail par le capital, est le rapport social autour duquel gravitent toutes les couches sociales (bourgeoisie et prolétariat, entre autres). remarquons, au passage, que la formation sociale capitaliste dominée par la classe capitaliste (la bourgeoisie) est la formation sociale qui a développé les forces de la production à un niveau jamais égalé.
    enfin, la formation sociale algérienne est une formation dominée par un système basé sur la distribution de la rente (valeur transférée, sans contrepartie, de l’extérieur) et la prédation. ce qui revient à dire que la formation sociale algérienne est une formation rentière. remarquons, au passage, que la logique de reconduction de cette dernière est tout à fait différente de la logique de reproduction de la formation sociale féodale. en effet, dans cette dernière, la rente est le produit du travail des serfs alors que, dans la formation sociale algérienne, la rente est ‘importée », sans contrepartie, de l’extérieur et accaparée par le pouvoir en place sans que la force de travail « domestique » y soit pour quelque chose.
    étant donné que la formation sociale algérienne se « refait » (l’utilisation du verbe « se reproduit » constituerait, une aberration, n’est ce pas?) grâce à la distribution de la rente, quasiment, toutes les couches sociales bénéficient de cette distribution. par conséquent, contrairement aux systèmes féodal et capitaliste, le système rentier ne génère pas ses propres fossoyeurs. il est donc, au niveau endogène quasiment indestructible (d’où le mouvement circulaire dans lequel l’algérie, et les algériens sont engagés depuis des dizaines d’années, mouvement qui persistera avec le cinquième mandat du fakhamatou des algériens).
    moralité de l’histoire: si le système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation ne génère pas ses propres fossoyeurs, son dépassement ne peut provenir que d’un choc externe.

    MELLO
    16 août 2018 - 10 h 29 min

    Dans le système Algerien , comme il y a un système Français, Anglais, Allemand , Russe …., l’évolution touche toutes les classes sociales , je dirais même toute la nation . Moi , petit lambda d’un peuple, dans ce systeme qui m’enchaine, j’erre sur un champ économique, bureaucratique , professionnel et social miné et tente par des « hefattes » (dribles) d’obtenir ce minimum vital qui me permettra de m’en sortir. Le système Algérien englobe toutes des tournures inimaginables pour que chacun de nous, sans exception, puisse tenir ce bout de fil qui le tient a la vie. Mais ces conditions de vie , implicites , sont le reflet de la gestion symptomatique des tenants du pouvoir, lesquels imposent un système qui fait d’eux les éternels dirigeants. Toute forme de changement provoque un déséquilibre de ce système dont l’equilibre est instable. C’est la raison principale du refus ,de ce pouvoir ,du concept du consensus national du FFS qui débouchera ineluctablement vers la fin de ce système , pour aller vers une période de transition.

    Zaatar
    16 août 2018 - 9 h 39 min

    Qu’est ce que le système se demande Monsieur Akram Chorfi… Classiquement on aurait répondu un système est un ensemble d’éléments tout autant complexes les un que les autres à un degré inférieur à celui du système en question. Mais comme il s’agit d’un jeu de mots et de terminologie, on sait qu’on fait allusion, avec le mot système, au pouvoir en place chez nous depuis 62. Et là la définition que l’on doit lui donner est tout autre. Car ce système en fait se résume en une toile, un réseau. C’est à dire un ensemble de nœuds et de mailles liés entre eux et les liaisons permettent des échanges d’informations et une communication efficace entre les différents nœuds. Les nœuds ne se connaissent pas forcément. L’avantage d’un tel réseau ou d’une telle toile est qu’il n y a pas de maîtres ou esclaves à vie, quelques nœuds peuvent se prévaloir d’êtres des nœuds maîtres mais dans une durée déterminée selon les circonstances. Un nœud peut être rapidement éjecté et remplacé par un autre immédiatement en fonction des circonstances du moment pour permettre un bon fonctionnement de la toile ou du système. Le nœud peut être carrément éliminé s’il le faut pour être remplacé par un autre. Les mailles se régénèrent sans cesse. Car il arrive que les liaisons se coupent pour une raison ou une autre. La toile alors opère à ce que ces liaisons se rétablissent rapidement. C’est ainsi depuis 62, depuis l’indépendance, s’est patiemment érigé notre système. Les nœuds malheureusement on ne les connait pas. On peut supposer pour le cas qui nous intéresse que le président de la république est un nœud, les responsables des centres de décisions et les centres névralgiques, quelques ministres, des généraux bien sur, mais pas que… Notre toile est vraiment bien tissée…

    RasElHanout
    16 août 2018 - 7 h 41 min

    Mr Akram Chorfi, pour l’Algérien lambda que je suis, le Système de chez nous est «une impressionnante pyramide érigée sur la corruption et consolidée par la compromission. Sa principale caractéristique réside dans l’exécutee de ses voies d’accès qu’on ne peut emprunter qu’on se courbant de temps en temps pour finir de s’applatir définitivement».

    NB : Merci de respecter les principes de la Propriété Intellectuelle et donc les droits d’auteur.

    deux générations ratées pour le confort d'une poignée
    15 août 2018 - 21 h 45 min

    « Qu’est-ce que le système ? »
    j’allais dire le FL… mais quand j’ai lu ce qu’en pense Barthes , j’ai trouvé qu’on ne peut avoir plus raison ..
    ce qui est certain c’est que tous les marionnettistes sont à l’intérieur du FL..

    lhadi
    15 août 2018 - 17 h 44 min

    Système (algérien à caractère oligarchique) est un mot soft pour désigner la mafia algérienne impliquée dans les scandales politico-économico-financières.

    fraternellement lhadi
    ([email protected])

    lhadi
    15 août 2018 - 17 h 43 min

    Système (algérien à caractéristique oligarchique) est un mot soft pour désigner la mafia algérienne impliquée dans les scandales politico-économico-financières.

    fraternellement lhadi
    ([email protected])

    anti khafafich
    15 août 2018 - 17 h 19 min

    le système en lui même n’est pas blâmable car toute science qu’elle soit technique, sociale, politique ou autre a besoin d’un système pour fonctionner qui n’est d’autres qu’un ensemble de parties ou de procédures (selon les définitions es dictionnaires) qui marchent en synergie pour avoir un résultat a la fin.
    ce qui est blâmable ce sont les humains qui n’entretiennent (par huilage en mécanique, par mise à jour en Informatique, ou par hommes ou mécanises dans notre cas de figure) pas leurs systèmes pour le perfectionner. notre système est plutôt figé, il n’a pas été entretenu souvent, ou plutôt on commençait a l’entretenir par des « hommes » et des mécanismes non adaptés, on a des exemples concrets tel que les nouveaux riches qui ne mériteraient pas même une photo dans un magazine People a l’étranger ou encore les chefs de fédérations sportives qui ne pensent, tous, qu’a leurs ventres et bas ventres, quant a nos hommes boulit(m)iques n’en parlant même pas. tout et à revoir pour notre salut

    Anonyme
    15 août 2018 - 15 h 13 min

    Le système est apparu avec la main mise du FLN et de ses satellites sur tout l appareil économique,politique et militaire avec des gens incompétents qui n avaient comme objectifs que de garder le pouvoir en mettant des gens soumis à tous leurs desiratas aux postes stratégiques.
    Voilà comment est né le système c est la cooptation sans compétence ni vue sur le long terme de l avenir du pays..
    Il persiste avec les mêmes méthodes et les mêmes résultats…

      benchenane
      15 août 2018 - 17 h 05 min

      la 1ere fois que je m’identifie !
      JUSTE POUR APPLAUDIR A L’ARTICLE …
      analyse simple claire et nette !!!!

    Gatt M'digouti
    15 août 2018 - 12 h 27 min

    Néanmoins, il y a une question qui demeure pendante à savoir : comment faire partir le système ? Qui incarne le système qui puisse, en étant neutralisé, signifier la fin du système ?
    Ce croquemitaine, que personne n’a vu et qu’on dote de pouvoirs extraordinaires n’est exhibé que pour épouvanter et terroriser.
    Pourtant l’antidote, le vaccin existe : LA JUSTICE
    La justice Algérienne doit constituer l’un des piliers du pacte citoyen de notre pays. Son impartialité, sa capacité à assurer un équilibre entre prévention, sanction, réparation et protection des libertés individuelles doivent être au cœur du bon fonctionnement de la société.
    Tant que la justice se complait à servir, à plaire et à obéir à un clan, Bourourou à une longue vie devant lui.

      Anonme
      15 août 2018 - 13 h 51 min

      Gatt M’digouti
      15 août 2018 – 12 h 27 min
      La justice Algérienne devrait constituer l’un des piliers du pacte citoyen de notre pays. Son impartialité, sa capacité…….

      cette justice fait partie du système et existe que pour le servir et le protéger

        Gatt M'digouti
        15 août 2018 - 18 h 54 min

        Je le sais et c’est pour ça que j’ai ecrit  » devrait  » et non pas  » est » ! et bien précisée sur ma dernière phrase !
        Amicalement !

    MELLO
    15 août 2018 - 11 h 25 min

    L’Algerie, supposée indépendante en 1962, est vite happée par une caste héritière du « système » colonial. La clef au problème est juste ce qu’est le colonialisme et son système. Le système colonial repose sur une triple domination: politique , economique et culturelle. La leçon bien apprise, cette caste n’a pas hésité a compiler cette domination sur une societe mutilée par sept années de guerre , de faim et de traumatismes. Comme pour assoir cette domination , les tenants du pouvoir n’ont pas hésite a calquer l’organisation territoriale Algerienne sur celle du pays colonisateur: la mairie en APC, la sous préfecture en Daira, la préfecture en Wilaya, tout en maintenant les appellations des documents de l’Etat civil, ainsi que des services de securite comme la police et la gendarmerie, sans oublier la denomination de hierarchies civiles et militaires. La fin de ce systeme ne viendra que lorsque toute cette organisation aura sa propre ….

    LES MAIRES_D DE NOS COMMUNES
    15 août 2018 - 11 h 16 min

    @Le système, comme dirait Barthes le sémiologue, est un mythe que nous avons créé dans notre terminologie politique pour éviter de culpabiliser en tant qu’habitants – pas encore citoyens- quant à notre responsabilité collective, de haut en bas, sur le sort de l’Algérie.
    A. C.
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    Tout est dit ! Un exemple bête : Un maire multi illettré, qui n’a JAMAIS lu un livre, même Le Coran, qui vit d’un gros salaire, face auquel se retrouve un multi lettré, qui a lu plus de livres que d’ordinaire, dont les neurones ont sué, travaillé, le dialogue de L’Inculture et de La Culture, quoi !!! Le Système c’est un fait issu de « La Nuit coloniale », Le Jour venu il s’estompera comme se seront estompés ces monstres appelés Maires, multi illettrés comme certains enseignants actuels de l’université, affairistes, avec des visas offerts par Effrenssa, oumhoum ouled el hram!!

    LOUCIF
    15 août 2018 - 10 h 11 min

    Akram Chorfi , pour moi c’est parfait comme synthèse. Il a suffit de quelques paragraphes ! Bravo !

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