Pouvoirs, rentes, allégeances ou transformation sociale ?
Par Pr Nadji Sassi – L’article intitulé «Ce ministre et ces recteurs inamovibles sans curriculum vitae scientifique», et publié par Algeriepatriotique, a suscité des commentaires globalement positifs, allant dans le sens visé par cette courte contribution.
Cependant, un de ces commentaires, signé par un universitaire, donc un intellectuel, un «esprit éclairé», tout en ne rejetant pas le contenu de l’article en question, propose une analyse reposant sur l’abdication de toute voix critique parce que, selon lui, les phénomènes critiqués s’expliquent tous par le caractère rentier de l’économie de l’Algérie. Selon l’auteur du commentaire, ce caractère rentier est premier et imprime sa marque sur l’ensemble de l’évolution politique et économique, aussi bien des institutions modelées selon les objectifs d’accaparement de cette rente au niveau central que des niveaux intermédiaires et locaux. Les actes individuels des détenteurs des parcelles de pouvoir, qu’ils soient au niveau central (ministre) ou intermédiaire (recteur) ou local (doyen, chef de département), découlent de ce caractère rentier premier dans la configuration du pouvoir dans ses différentes strates en Algérie. L’auteur du commentaire écrit : «Le système éducatif algérien en général et l’université algérienne en particulier ne peuvent être que des appareils idéologiques au service d’un système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation. En ce sens, nous ne devons guère nous étonner des pratiques qui tiennent lieu de fonctionnement de ces deux institutions.»
Cette analyse qui prend prétexte du caractère premier dominant, rentier, du système politique et social du pays, pour ne pas s’engager, ne pas critiquer, ne pas remettre en cause les actes des détenteurs de parcelles du pouvoir de décision, même aux échelons inférieurs de ce système dominé par la rente, est une position comme une autre. Elle s’élabore, se précise et se diffuse. Cependant, soumise à la critique, elle dévoile sa stérilité politique et même son alliance objective avec le système rentier auquel elle impute à juste titre les maux de la société, car elle se suffit de l’état existant, sans jamais indiquer une piste quelconque pour le faire évoluer. Elle n’envisage pas son dépassement ni ne construit pour le futur.
Son seul champ d’expression consiste à protéger son propre petit espace personnel pour protéger ses arrières, conserver ses acquis, ne rien remettre en cause en dehors et au-dessus de ce champ strictement limité. Procédant de la «pensée magique», cette position neutraliste et stérile prétextant le caractère rentier pour le moment indépassable du système social, décrète qu’aucun changement n’est possible et que, donc, aucune lutte n’est nécessaire. Il faudra à la société et à ses membres, attendre jusqu’à la survenue de la disparition de son caractère rentier premier. En attendant, nous restons sur notre faim quant au processus de transformation qui fera disparaître ce caractère rentier.
Cette position ne propose aucune voie, aucune démarche, aucune critique pour ce faire. Finalement, par sa neutralité et sa stérilité politique, elle est celle qui, en s’abstenant de toute remise en cause du caractère rentier du système social en Algérie, contribue à ce que ce caractère domine et perdure au fil du temps et s’étende à toutes les sphères et organisations sociales dont l’université.
Objectivement, en s’accommodant de l’existence et de la domination du caractère rentier, elle le renforce et contribue à le faire perdurer à l’université et dans la société algérienne.
N. S.
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